Le Front n’est pas franc

Lydie Marion a publié dans les colonnes de Causeur, un article qui pouvait au départ susciter une certaine perplexité. S’agissait-il d’une charge contre l’islamisme radical présenté comme un islamo-fascisme, principal défi lancé à la France et qui jetterait les électeurs dans les bras se du Front National ? Ou une valorisation de celui-ci en mouvement antifasciste (!) puisqu’il serait le seul à combattre la nouvelle peste. En fait, le texte poursuivait ces deux objectifs. Et pour cette raison, il n’est pas recevable. Je ne lui ferai aucun procès d’intention ni demande de justification. Ici, je transmettrai simplement l’expression d’un désaccord radical.

Au départ, le Front National était un parti ouvertement fascisant. Tous les fondateurs ou presque qui entouraient Jean-Marie Le Pen à cette époque, étaient issus de la collaboration avec le nazisme c’est-à-dire, de la trahison de 1940 et de ses conséquences. Pour eux, Le Pen ne devait être qu’une marionnette facile à manipuler. Ils sont tombés sur un os. Politicien retors et cupide, c’est lui qui les a roulés. Pour son profit exclusif et celui de sa petite famille. Cette matrice initiale est indélébile. Un parti politique, et surtout celui-là, c’est un appareil strictement verrouillé. Les épisodes Mégret et autres l’ont parfaitement démontré. Les militants sincères mais à la faible culture historique dans une époque troublée, les électeurs égarés qui ne savent plus à quel saint se vouer (à juste titre) ne sont pas en cause. Oui, le noyau dur du FN, encore aujourd’hui, est fascisant. Et c’est ce qui compte.

Il existait en Italie un parti du même genre, le MSI, encore plus marqué que le FN, ouvertement mussolinien. Son leader, d’un autre calibre intellectuel et politique que Le Pen, Gianfranco Fini a clairement rompu avec ce passé, quand il a mesuré que cela lui barrerait toujours la route du pouvoir. Il s’est donc « normalisé », transformé en véritable parti de droite républicaine  (et même moins extrémiste que la ligue du Nord). Malheureusement, le FN  étant d’abord le petit commerce de la famille Le Pen cette mutation sera impossible tant qu’ils seront là, entourés de leurs affidés.

Aucun compromis n’est donc possible. La trahison de 1940 reste toujours un clivage structurant de la vie politique française. Parce que cette trahison ne s’est pas arrêtée au 17 juin  (le pronunciamento de panique décrit par De Gaulle) ou au 10 juillet  (assassinat de la République). Il y a eu Montoire, la collaboration active, la LVF, la Milice, Sigmaringen etc. Mais il y a eu aussi l’après-guerre, les tentatives de réhabilitation, la construction du mensonge sur l’épuration pour présenter les traîtres en victimes, les recyclages au moment de l’Algérie et de la guerre froide. Contrairement à ce que disait Bernard Tapie, les électeurs et la plupart des militants du FN ne sont pas les salauds.  Il importe de les réintégrer à la société politique française, celle née (souvent pour le meilleur, et parfois pour le pire) de la victoire sur la trahison en 1944. Ils en font évidemment partie. La famille Le Pen et leur bande sûrement pas. L’islamisme radical, que j’exècre, n’est pas le principal problème de la société française. Ce n’est qu’un prétexte pour, l’assimilant au fascisme, dire que le Front National étant le seul à le combattre (?), il serait un parti antifasciste respectable. C’est faux.

Mon pays a pas mal de problèmes inquiétants. L’existence de ce parti à ces hauteurs électorales est l’un d’eux.

Régis de Castelnau

Laisser un commentaire