Grèce : ces socialistes qui veulent garder leurs pantoufles

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Les Gracques méprisent la démocratie grecque

Le traitement de la crise grecque est un grand révélateur. Au-delà des débats techniques et désormais de plus en plus politiques, on commence à voir au grand jour les véritables motivations des uns et des autres. Il est clair que pour des gens comme Sapir, Lordon, et Charles Gave,  dans des genres très différents, le clash et le Grexit serait une divine surprise. La preuve définitive que l’euro n’était qu’une cochonnerie. En face, il y a ceux qui ont partagé l’espoir européen, s’inquiètent et voudraient bien le préserver encore. Et au milieu ceux qui n’aiment pas les crises et voudraient que l’on s’en sorte sans casse.

Il y a aussi nos amis allemands qui ont soigneusement chassé leur naturel qui fait pourtant des retours soudains. « La représentation selon laquelle les Grecs modernes sont les descendants de Périclès ou Socrate et pas un mélange de Slaves, de Byzantins et d’Albanais, a été pour l’Europe érigée en credo. » Phrase publiée dans Die Welt, quotidien fort sérieux. Qui poursuit «C’est pour cela qu’on a accepté les Grecs fauchés dans le bateau européen en 1980. On peut en admirer chaque jour les conséquences.»  Donc les Grecs, c’est rien que des métèques. Ils n’ont pas les bons gènes et par conséquent n’ont rien à faire dans l’UE. Chers amis, on n’aime pas trop ce genre de propos. Et encore moins quand ce sont des Allemands qui les tiennent.

Et puis il y a ceux qui ont carrément peur. Leur inquiétude s’est transformée en angoisse. Pour leurs petits intérêts. Ils commencent à élever le ton. À l’aide de mauvaise foi et d’arguments d’autorité. Regardons de plus près une belle illustration de cette nervosité avec l’article publié par Les Échos la semaine dernière.

Dans « l’organe central du CAC 40 » avec un titre qui ne s’embarrasse pas de circonvolutions,: «Grèce: ne laissons pas M. Tsipras braquer les banques ! ». Les auteurs? Au-delà du courageux anonymat «Les Gracques sont un groupe informel d’anciens hauts fonctionnaires socialistes ». Une rapide recherche sur Internet va nous donner quelques noms et nous apprendre que le terme « ancien » se rattache au statut de fonctionnaire. Socialistes ils le sont toujours, joli peloton de pantoufleurs gloutons, tels que le PS en produit avec une régularité métronomique.

N’insistons pas sur l’usurpation déplaisante du nom « Les Gracques ». Et passons au texte soumis aux lecteurs du journal du patronat : «Un membre de l’Union européenne, la Grèce, a pourtant rejoint la Zambie comme pays ayant retardé ses échéances ; et elle rejoindra peut être demain le Zimbabwe au ban des nations ayant fait défaut à la solidarité internationale ». Il y avait pourtant d’autres exemples récents: Russie, Argentine ou Islande. Non, la Grèce, se comporte comme le dernier des bantoustans africains. Comparaison choisie, fleurant bon son racisme inconscient.

« Les Grecs » maintenant. On ne vous parle pas de la Grèce, des gouvernements qui l’ont dirigé, des couches sociales qui en ont profité et de ceux qui se sont servis au passage. Non, on vous parle « des Grecs », ces feignants, ces profiteurs qui se sont gavés et qui veulent le beurre et l’argent du beurre. Ces gens-là «ont gaspillé leur chance. Plutôt que de moderniser leur économie pour la rendre compétitive et d’investir dans l’infrastructure d’un Etat, ils ont distribué prébendes et revenus, sans que la productivité ne s’améliore ni que la croissance vienne d’autre chose que de la consommation. » Mais dites donc, qui sont ces gaspilleurs ? Qu’y a-t-il derrière ce «ils » bien commode ? Les retraités à 300 euros par mois ? Les paysans du Péloponnèse ? Les infirmières au chômage ? Évidemment non, alors qui? On ne saura rien sur ceux qui ont tout décidé et tout couvert. Ce serait du populisme que d’identifier les responsables. Alors on ne dit pas « la Grèce », mais « les Grecs », petite manipulation à visée démagogique. Symétrique de celle qui consiste à calculer par foyer fiscal français ce que coûterait une faillite de la Grèce. Les Grecs conduits par un braqueur de banque, veulent vous voler on vous dit !

Aux marchés financiers, nos anciens fonctionnaires font quand même un petit reproche : «Les marchés financiers ont commis la faute de financer trop longtemps ces déficits. Leur perte n’a pas été couverte entièrement par les contribuables ». Ces pauvres marchés financiers, dont chacun sait l’humanisme militant, ne fonctionnent pas, par et pour la spéculation. Et avec “les grecs” ils ont été trop gentils. En finançant trop longtemps des déficits, ce qui rappelons le, en droit s’appelle « du soutien abusif », normalement lourdement sanctionné. Là, les pauvres, on les plaint parce qu’ils ont pris des risques, se sont plantés et que le contribuable n’a pas tout remboursé !

Vous savez ce qu’ils ont fait ensuite, les Grecs ? «Les comptes étaient en train de s’équilibrer et la croissance de repartir, quand les Grecs ont approuvé le mandat que le gouvernement rouge-brun de M. Tsipras se faisait fort de mener à bien. »

Ils ont voté démocratiquement pour une coalition évitant de céder aux sirènes, d’Aube Dorée, véritable parti nazi celui-là. Pour ces socialistes français, flirtant de près la crapulerie, vraie gauche et fascistes à chemise brune c’est la même chose.

Ces gens n’ont pas beaucoup d’amour-propre, il, ne craignent pas non plus la contradiction. Stigmatisant la tentative « d’extorsion en menaçant ses partenaires européens de provoquer une déflagration financière contagieuse qui menace toute l’union monétaire et toute l’économie européenne. » Nous y voilà. Tout en disant que la Grèce « surestime sa main », que même pas peur, qu’il n’y aura aucune contagion, que les autres pays du sud vont très bien qu’ils ont été « exfiltrés » (sic), que la BCE achète massivement leurs obligations (tiens tiens). Puis ils poursuivent qu’il est hors de question que la Grèce « parte avec la caisse » qu’il faut donc les laisser sortir de l’euro et de l’UE. Que ce sera l’apocalypse pour les Grecs. Qui ne fera que confirmer leur statut ontologique de clochards et de minables, toute la tribune suintant un mépris finalement assez écœurant pour la « Grèce, qui est petite, avec un PIB inférieur à la quinzième ville chinoise ». Membre de l’UE mais «qui n’aurait jamais dû y entrer ». Tout le reste est à l’avenant mais on va s’en tenir là. Profondément déplaisant.

Il aurait été possible d’argumenter et d’exposer une position tout à fait défendable. La partie qui se joue est extrêmement délicate et je me garderai personnellement d’aborder le débat de façon péremptoire. Alors pourquoi, ces enfants gâtés de la République perdent ils à ce point leur sang-froid en produisant ce tract vulgaire et finalement assez indigne ?

Serait-ce parce que, comme ils le reconnaissent eux-mêmes, la question serait désormais surtout politique? La façon dont va se traiter (résoudre ?) La question grecque est essentielle pour l’UE et pour l’euro. L’Union encalminée, confrontée à la défiance des peuples saura-t-elle trouver les ressources pour sortir d’une crise incontestablement dangereuse ? Il y aura de toute façon un avant et un après.

Pour en débattre, chacun s’exprime à partir de son lieu politique, économique, sociologique. Et c’est en cela que ce débat est un révélateur. Les Allemands à partir des intérêts de l’Allemagne, le gouvernement français à partir aussi des intérêts de l’Allemagne.

Notre peloton « d’anciens hauts fonctionnaires socialistes », qui ne veut surtout pas que ça change, à partir d’où s’exprime- t-il? Des lieux où s’est déployée leur petite caste. Et à partir de leurs intérêts économiques et matériels les plus étroits. Du fond de leurs pantoufles épaisses, qui doivent leur assurer niveau de vie très confortable et totale sécurité qu’ils tiennent à préserver. Alors, ils commencent à prendre peur. Surtout, ne touchons à rien, les Grecs doivent payer !

Ils savent bien que la contrepartie de leurs avantages est une fidélité sans accroc au capitalisme financier. Défendre leurs intérêts, et servir les véritables maîtres.1

 

  1. De « fonctionnaires arrivistes » seraient-ils devenus ces « affairistes sans honneur » dénoncés par Charles de Gaulle au moment de la capitulation de 40 ?[1. « Le 17 juin 1940….Une clique de politiciens tarés, d’affairistes sans honneur, de fonctionnaires arrivistes et de mauvais généraux se ruait à l’usurpation en même temps qu’à la servitude ». Charles De Gaulle, discours du 18 juin 1941 au Caire.

 

Régis de Castelnau

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