Alain Juppé, politiquement (trop) correct.

 Juppé II

Nestor brigue-t-il la succession de Laurent Joffrin?

 

Un SMS, accompagné d’un lien Internet reçu dimanche 11 octobre au matin m’annonce qu’Alain Juppé est très en colère. Houlà me dis-je, pour que le « meilleur d’entre nous » prenne la plume pour exprimer son courroux, ses contrariétés doivent être d’importance. Celui que les réseaux appellent désormais Nestor en raison d’une ressemblance frappante avec le majordome de Moulinsart, n’est pas connu pour perdre son sang-froid. Pas non plus, pour se passionner pour quoique ce soit d’autre que sa propre personne. Alors qu’est-ce qui l’a irrité ? Les 20 000 chômeurs de plus par mois que nous procure l’inversion inversée de la courbe du chômage ? La politique étrangère illisible et aventureuse de Laurent Fabius ? La provocation d’Erdogan en territoire français avec son incroyable et insultant meeting nationaliste de Strasbourg ? La réforme du collège qui fait la quasi-unanimité contre elle ? Les prêches délirants de l’imam de Brest qui ne suscitent aucune réaction autres que celle de l’extrême droite ? Le salon de la femme musulmane de Pontoise ? La diabolisation en mode point Godwin de tous ceux qui osent réclamer un débat sur des questions brûlantes ? Il y a là quelques sujets de nature à faire réagir un homme de droite dont on dit qu’il aspire aux plus hautes fonctions.

Alors voyons. À la première lecture, on pense que l’on a fait une erreur. En cliquant sur un article de Libération. Non, c’est bien du Juppé , sur son blog personnel. Eh bien dites donc, il n’y va pas avec le dos de la main morte.

Il nous prévient : « aujourd’hui les raisons d’être en colère ne manquent pas ! Contre l’abaissement du débat public, la course à la vulgarité, la recherche du bon mot, ou mieux encore du gros mot qui fera la une des médias … et en même temps nourrira la dérision quotidienne que ces mêmes médias entretiennent avec délectation au détriment des hommes politiques. » Là c’est sûr, il parle de la couverture trisomophobe de Charlie Hebdo. Eh bien pas du tout.

La cible, ce sont les tenants du : « politiquement correct » que nous serinent à longueur de bavardages télévisés les chantres du déclinisme, les nostalgiques d’un prétendu « âge d’or », les Cassandre qui annoncent l’effondrement de la civilisation occidentale…les partis qui jouent sur les peurs des Français et dessinent le visage d’une France ratatinée dans ses égoïsmes, frileuse devant le monde global , barricadée dans d’illusoires frontières nationales. »  Je croyais que le padamalgam était désormais obligatoire. Pas pour Alain Juppé. bien qu’il ne cite aucun nom, Finkielraut, Debray, Onfray, Todd, Bouvet, tout ça c’est du rouge-brun, comme Marine Le Pen ou Philippot. Subtil et nuancé

Il y en a une qui en prend directement pour son grade. Bien qu’elle ne soit pas nommée, on lui reproche «la sottise qui inspire la caricature d’une France de race blanche et insulte du même coup les Français de Guadeloupe, les Français de Martinique, les Français de Guyane, la belle société multiraciale de la Réunion ». Considérant qu’il n’y a pas de « races humaines », je fais partie de ceux qui ont détesté la provocation de Nadine Morano. Mais Alain Juppé ne craint pas la contradiction. « La belle société multiraciale de la Réunion » ? Il faudrait savoir ! La société réunionnaise que j’ai le plaisir de bien connaître et d’aimer est multiethnique, pas multiraciale. Les créoles, les cafres, les tamouls, les malbars, les z’arabs, les chinois, les zoreyes, ce ne sont pas des races distinctes !

Après Morano, ce sont des chrétiens qui dérouillent. « Contre l’arrogance des bien-pensants qui se réclament bruyamment des racines chrétiennes de la France sans y être vraiment fidèles. » Dans ta face le catho ! Parce que Juppé, lui il est bon chrétien, pas toi. « J’ai été élevé dans la religion catholique et j’y demeure attaché ». Attaché comment ? Avec un élastique ? Croyant pratiquant, croyant non pratiquant, pratiquant non-croyant (comme Maurras)? On ne saura pas. Tant qu’à prendre une leçon, je serais catho, j’aimerais pourtant savoir qui me cause.

Attention, Alain Juppé, il est costaud, il a tout lu « C’est pourquoi j’ai retenu des Evangiles, des Pères de l’Eglise, de l’enseignement des papes que les valeurs chrétiennes , c’est l’amour du prochain , l’accueil de l’étranger, le respect de l’autre, l’attention porté au plus petit, au plus faible, au plus pauvre. » Et c’est sûrement la raison pour laquelle il a pris les chrétiens à l’envers depuis trois ans à propos de questions sensibles. Qui les turlupinent et les ont mis par millions dans la rue. Se ralliant par exemple, et entre autres, à l’adoption pour les couples homosexuels pour le motif imparable que ses filles étaient d’accord.

Bon, à la fin il nous confirme que le chapelet d’injures, ça le démangeait : « j’avais envie de vous dire tout cela. » Concluant quasiment avec du Philippe Pétain dans le texte : « ensemble résistons aux vents mauvais.»

Pourquoi réagir aux agissements d’un homme politique aussi manifestement insincère, sur lequel je n’ai jamais eu la moindre illusion ? N’appartenant pas à son camp, et n’étant pas catho, cela ne me concerne pas. En fait à cause des acclamations et des cris de joie du mainstream qui ont déferlés depuis dimanche. Et qui dévoilent l’opération qui est en cours. Celle de faire d’Alain Juppé le candidat de la gauche pour 2017. Il est évident que ce texte ne s’adresse pas son camp. Il envoie un message à la gauche socialiste pour qui l’éventuel retour de Sarkozy est une terreur. « Hollande est carbonisé, manipulons ensemble les primaires ouvertes des Républicains. Président de la République je prendrai Macron comme premier ministre. » Particulièrement enthousiasmant. Comme on dit dans « la belle société multiraciale Réunionnaise » cela sent la manipulation « gros doigts ».

À moins que ce soit l’ami David Desgouilles qui ait raison. Qu’Alain Juppé ne brigue que la succession de Laurent Joffrin.

 

 

Régis de Castelnau

8 Commentaires

  1. Et oui ! Alain Juppé est un candidat de la bien-pensance. « Les cons ça ose tout, c’est même àa ça qu’on les reconnaît ».

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