Justice pour l’île des justes.

Corse

Il n’était pas trop confortable d’être corse en cette fin d’année.

Depuis le 13 décembre il nous a été donné d’assister à une multiplication de prises à partie, d’amalgames et d’injures, où les Corses ont pris cher. Presse et réseaux et réseaux se sont déchaînés contre ces gens sans foi ni loi, portant des «indépendantistes » à la tête de la collectivité territoriale pour se lancer ensuite dans d’impardonnables ratonnades. Il faut reconnaître qu’ils ont fait fort les Corses, en votant au deuxième tour à 23 % des inscrits pour une liste « autonomiste » ayant fusionné avec des « indépendantiste » qui eux avaient obtenu 4,5 % des inscrits au premier… Un raz-de-marée dites donc ! Les républicains des deux rives se sont à nouveau réunis renforcés par une bien-pensance hétéroclite pour sonner le tocsin. Sûr de son coup et de son public, l’histrion Talamoni, devenu président de l’assemblée a prononcé son discours d’intronisation dans le patois toscan qu’il appelle « la langue corse ». Provocation réussie au-delà de toute espérance avec le redoublement des cris d’orfraie. De Guaino à Chevènement, en passant par Alain Juppé rappelant d’un tweet lapidaire l’article 2 de la constitution sur le français, langue de la République. De la part de quelqu’un qui depuis plus de trente ans a organisé et soutenu toutes les combines visant à démanteler la souveraineté française au profit de la bureaucratie européenne, cela témoigne d’un certain culot. On pouvait distinguer deux approches différentes dans les anathèmes, il y a tout d’abord ceux pour qui l’État doit intervenir contre les agissements de cette liste qualifiée d’extrême droite et restaurer « l’ordre républicain » ; ensuite, ceux qui prônant « le largage », souhaitent se débarrasser, en leur donnant l’indépendance de tous ces voyous paresseux, xénophobes amateurs de beurre et d’argent du beurre et qui nous coûtent si cher.

Première série de remarques : si les autonomistes l’ont emporté à une majorité très relative, c’est du fait de l’usure et de la dispersion du système clanique et par conséquent, à la régulière. Ajoutons que « l’insécurité culturelle » et la crise économique existent aussi en Corse où au moins, on n’a pas voté Front National. Le président de l’exécutif est Gilles Siméoni, élu maire de Bastia tout aussi régulièrement en 2014, autonomiste conséquent dont on ne sache pas qu’il ait mis sa ville à feu et à sang. Rappelons que la Collectivité Territoriale corse, au contraire des régions métropolitaines, fonctionne de façon démocratique avec une séparation de l’exécutif et du législatif. Le pouvoir de Talamoni sur son assemblée est le même que celui de Bartolone sur la sienne, c’est-à-dire pas grand-chose. Le risque de séparatisme est assez ténu, les revendications actuelles portent en général sur des mesures déjà souvent et largement utilisées par d’autres pays de l’UE, que ce soit dans le cadre de l’ultra-périphéricité, ou de la simple organisation nationale comme par exemple l’Espagne. La co-officialité de la langue corse est un colifichet, tous les Corses parlent très bien le français et aussi souvent le corse entre eux, quand ils n’ont pas envie qu’on les comprenne. Henri Guaino et beaucoup d’autres ont tonné contre la proposition de réserver la possibilité d’acquisition immobilière aux résidents sur l’île de plus de cinq ans. Chargé de l’étude juridico-économique de la question, et ayant conclu à la nécessité de cette solution, je me crois assez bien placé pour répéter que c’est la meilleure pour éviter une spéculation-blanchiment souvent d’origine mafieuse, une flambée des prix, la destruction des merveilles du littoral corse, et pour permettre à la majorité des habitants corses ou non qui le souhaitent, d’accéder à la propriété. Mais non, pour les républicains intégristes et ignorants, il vaut mieux laisser l’argent sale recommencer le désastre de la Côte d’Azur.

Le Corse-bashing battait son plein lorsqu’est arrivée la divine surprise du 26 décembre. Je vais immédiatement prendre la précaution de dire que les ratonnades ou les tentatives de ratonnades du 26 et des jours suivants sont intolérables. Et ne peuvent en aucun cas être justifiées par les événements de la veille. Elles ont été immédiatement et très vigoureusement condamnées par tous les responsables corses y compris et surtout Siméoni et Talamoni. Mais alors, quelle clameur ! Des mosquées et des églises profanées, tout comme des cimetières et d’autres édifices religieux, il y en a assez régulièrement. C’est complètement lamentable et malheureusement révélateur de tensions, mais jamais cela ne provoque un tel tollé. Tout le monde s’y est mis dirigeant politiques nationaux, médias, réseaux.

Avec comme d’habitude le caractère unilatéral de l’information. Les incidents de la nuit de Noël, l’embuscade tendue à des pompiers volontaires en intervention n’a pas provoqué, dans un premier temps le moindre écho. C’est seulement quand la manifestation de protestation a dégénéré que médias et politiques ont réagi. Et encore, il a fallu attendre pour avoir des détails sur l’agression des pompiers et sur sa gravité. Répétons encore une fois que ces événements ne peuvent en rien justifier la réaction des racistes corses bas du front. Mais il faut peut-être rappeler que dans une région comme la Corse, les pompiers bénéficient d’une grande affection, souvent d’ailleurs parce qu’il y en a dans toutes les familles, et en Corse la famille, elle est large et sacrée… Par ailleurs les fêtes catholiques y sont encore très importantes, et s’attaquer en les traitant de « sale corses de merde» à ceux qui sacrifient leur nuit de Noël familiale pour protéger, c’est plus qu’une profanation. Les habitants savent très bien que sur le continent, le nombre des attaques de pompiers en intervention est considérable (1600 par an !) et qu’elles ne font l’objet d’aucune répression. Le spectacle très inquiétant de la dérive en mode 9-3 de la fameuse « cité de l’empereur » d’Ajaccio suffit alors à faire sortir du bois, à la moindre étincelle, quelques identitaires imbéciles comme on en trouve malheureusement partout.

Alors, cet unanimisme à se passer les nerfs sur les habitants de la Corse a quelque chose de très gênant. D’abord parce que, et nous allons probablement le voir ailleurs, les mêmes causes produisant les mêmes effets, des choses identiques et peut-être plus graves peuvent se passer à tout moment. Ensuite parce qu’essentialiser les Corses comme le font les médias relève, qu’on le veuille ou non d’une certaine forme de racisme très déplaisant.

Par ce que s’il ne doit pas exister dans la République de « peuple » Corse, l’insularité et l’Histoire ont créé une identité, une culture, une langue qui font des Corses une population spécifique à forte personnalité. Qui a la chance d’habiter un des plus beaux endroits du monde mais qui fut très pauvre et où la vie ne fut pas toujours facile. Qui est encore attachée à des valeurs anciennes comme la famille, l’amitié, la parole et l’hospitalité, qui sait faire la cuisine comme personne, et la fête quand il faut. Les Corses entretiennent des rapports parfois élastiques avec le respect de la règle, et sont aussi capables d’être très cons. Mais la République devrait se rappeler, que s’ils nous ont donné un Empereur, quand elle les a appelés, ils ne lui ont jamais manqué. Je voyais circuler cette interpellation reprochant aux Corses d’avoir soi-disant oublié, lors des exactions de quelques-uns, le fait qu’ils avaient été libérés en 1943 par des goumiers marocains. J’ajoute qu’il n’y avait pas que des goumiers, il y avait mon père aussi. J’ajoute encore les Corses étaient nombreux dans la France Libre ainsi que dans la Résistance. Avec au premier rang Danielle Casanova communiste morte à Auschwitz. Et j’ajoute enfin que la Corse, qu’en Israël on appelle « l’île des justes », est la région française qui a le mieux protégé les juifs pendant la guerre.

Alors, amis Corses soyez sympas ne vous formalisez pas, nous vous aimons. Les choses vont se calmer et nous vous faisons confiance, vous saurez mettre au pas les imbéciles.

Régis de Castelnau

6 Commentaires

  1. Monsieur De Castelnau, je n’ai qu’une chose à dire: Merci.
    Merci pour cet article bien écrit, et aussi « juste » que notre île.
    Merci de ne pas aller dans l’extrémisme que l’on peut voir, entendre, lire actuellement, extrémisme utilisé aussi bien pour nous accabler que pour nous « défendre ». Que ce soit par bêtise, par manque d’information, et souvent pire, à cause de mauvaises informations.
    Merci de ne pas basculer dans ces clichés et lieux communs dont les médias, les réseaux sociaux, nous abreuvent en ce moment.
    Merci.

  2. Vi ringrazianu i Corsi Maestru, Pace e salute a Voi e i vostri pè l’anu chi vene. (Les Corses vous remercient Maitre, bonheur et santé pourvoys et les vôtres pour cette nouvelle année!

  3. Le français est aussi un patois local, vague combinaison de latin, grec et celtique… Ce que vous appelez « langue » c est quoi ? Une série d’idiomes exportables via la colonisation ? Le corse est une langue à part entière. D’origine latine grecque et celtique aussi. Toutes les langues ont une origine…

  4. Merci, bravo, je ne sais pas, dans ce monde de démagogie où notre Corse est la seule et unique cible médiatique. Cher Monsieur il n’y a rien à ajouter à votre article, il est clair net et précis.
    Pourquoi tant de haine, est ce la jalousie, nous vivons sur une belle île certes, il y a d’autres beaux endroits dans l’hexagone, nous sommes fiers de nos racines de notre terre, cela nous l’avons naturellement en nous sans aucune idéologie politique. Nous sommes avant tout des insulaires et chacun dans sa famille à une histoire qui lui prouve son attachement viscéral. Je vous remercie pour votre honnêteté, vous êtes vraiment à contre courant de nos politiques et médias, je vais vous faire une confidence personnelle qui peut vous paraître absurde.
    J’ai 60 ans et je suis depuis 6 mois un heureux nouveau grand père et devant ce petit bout en dehors de savoir quel monde on va leur laisser, une chose me préoccupait, dans 50 ans aura t il toujours cette fierté d’être corse?
    Je le crois car toute cette haine gratuite dont on fait l’objet, ne peut que nous renforcer.
    Encore merci
    Cordialement
    François Bassoul (Ajaccio)

  5. Votre prise de parole est juste et elle nous fait du bien après Ce déferlement de haine .Une fois encore les dirigeants Français tentent de nous designer comme les moutons noirs de la REPUBLIQUE .Souhaitons que des voix s élèvent émanant des peuples de FRANCE et des intellectuels. Que se taisent les bobos parisiens qui brocarde les valeurs fondamentales des philosophes du siècle des lumières. Le Père spirituel des corses faisait partie de ces hommes éclairés qui ont souhaité un monde plus juste et nous nous sommes là nous les nationalistes corses pour réhabiliter sa mémoire et servir la cause de tous ceux qui défendent les même valeurs que nous .
    Pace e salute e campate felice!!!!!!

  6. M.de Castelnau, votre article a une certaine tenue, mais au final vous aussi vous tombez dans des clichés et des maladresses; peut-être Est-ce le problème quand on s’attaque à parler d’un groupe, d’une population- géographie – les français, les Corses etc. L’île des justes: non, yed vashem ne reconnaît pas cette appellation – et elle est d’un ordre raciste inversée. Ici comme l’écrivez il y a des cons et des gens; l’épisode d’occupation, le flirt avec le fascisme a son histoire ici aussi – moche, plus réduite par les circonstances (occupation surtout italienne, libération dès 43 etc); patois toscan, oui mais aussi ligure pour le bonifacien, et surtout parmi les dialectes italiques, une spécificité désormais dysglossique: 250 ans d’influence par le français et tous les gallicismes qui viennent avec. Dur à entendre: la spécificité du champ linguistique corse aujourd’hui est l’influence française!
    Pour la libération de Bastia, oui goumiers, français, mais surtout peut-être le revirement des Italiens. L’histoire mérite qu’on la raconte sans idéologie avec la plus grande vérité pour l’avenir.

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