Maraîchers, nous voilà !

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Homme de culture, Lazare Carnot goûtait les vers de Saadi Shirazi, moraliste musulman et poète de l’extase mystique. Il l’admirait au point de nommer « Sadi » son fils aîné, brillant physicien qui devait décéder en 1832, dans la fleur de l’âge.

Il faut croire que la discrète persanophilie venue à l’Occident avec les Lumières — Diderot louait déjà Saadi — dans laquelle a passionnément versé un Jaubert et, plus près de nous, un Gore Vidal, avait fort marqué le clan Carnot, puisqu’un autre Lazare Carnot nomma à son tour son fils en l’honneur de l’illustre penseur iranien. Le « second » Sadi Carnot, Président de la République française fut assassiné en 1894 par le détraqué Casério, à l’heure où le terrorisme omniprésent en France et en Europe signalait hideusement la disparition définitive du vieux fantasme anarchiste.

Chef de l’État, sans doute ;  français, peut-être pas assez, si l’on en croit Eric Zemmour, qui propose d’évaluer la francité des individus en fonction de celle de leur prénom. Soit dit en passant, les réactionnaires du XIXème, qui voyaient dans Carnot l’incarnation de la République honnie, orientale et maçonnique, ne pensaient pas autrement ; à défaut de profondeur, la « pensée » d’Eric Zemmour témoigne — le terme devrait lui plaire — d’un certain enracinement. Pauvre Eric ! Pauvre homme qui, sous l’effet de la haine qu’il se voue à lui-même, s’est rogné l’être jusqu’à ne plus être qu’un prénom ! Pauvre créature, qui voudrait être le Méphistophélès des bien-pensants mais n’est qu’un Polichinelle que l’on ressort des tiroirs à l’approche des élections !

Zemmour est, au fond, bien plus à plaindre qu’à craindre ; ce qui craint, comme on dit, c’est la réclame assurée par les médias au dernier torchecul publié par cette épave.

Dans un monde idéal régi par l’« opinion du peuple saine » chère à Pascal, un homme qui, sciemment et à l’encontre de toute vérité, affirme coram populo que « Pétain sauvait des Juifs » ne serait point reçu ; ou alors, ceux qui lui permettent de publiciser ses délires seraient interrompus, en vertu d’une saine tradition critique française, par des jets de légumes et de fruits pourris. Il n’est d’ailleurs peut-être pas trop tard pour commencer.

 Geoffroy Geraud-Legros

Geoffroy Geraud-Legros

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