Anne-Sophie Leclère, l’embuscade ratée de Taubira

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Quand l’ex-Garde des Sceaux, grande conscience de la « Gauche », instrumentalise la justice pour régler de petits comptes.

Anne-Sophie Leclère n’a pas de chance. Déjà, elle habite au milieu des invisibles, au fin fond des Ardennes. Dans une ville de 7000 habitants qui n’a jamais vu passer un touriste et les immigrés sont rares, elle exploite un magasin d’articles de pêche qui la fait vivre chichement. Histoire de se retrouver un horizon, elle s’est imaginée un petit avenir politique et a décidé de se présenter aux élections municipales sous l’étiquette Front national. Le système, Christiane Taubira en tête, lui a rappelé vertement que les petites gens sont priées de rester à leur place.

Écraser l’infâme… au mépris de la justice et du droit

Repérée par les équipes de France Télévisions, histoire de ricaner  sur la France périphérique, elle a été sollicitée pour la réalisation d’un reportage la concernant. Il faut dire que Madame Leclère constituait un gibier facile dans la mesure où quelques mois auparavant elle avait publié sur sa page Facebook un infect montage photographique comparant Christiane Taubira à un singe. Elle n’en était pas l’auteur et l’avait rapidement retiré. C’est donc en toute bonne foi et probablement flattée qu’elle accepta la réalisation de ce reportage. La malheureuse !

À la fin du tournage, et alors qu’elle pensait les enregistrements terminés, comme elle l’affirmera par la suite, elle eut la surprise de voir la journaliste lui mettre sous le nez une capture d’écran de sa page Facebook comportant l’horrible photo. Quelques bafouillis plus loin, elle proférait pour se justifier, se croyant dans une conversation privée, une détestable imbécillité : « Je préfère la savoir dans un arbre qu’au ministère de la Justice ».

Naturellement, la diffusion du reportage comportait cette triste perle, et ce fut fort normalement un petit scandale. Le fait que Christiane Taubira ait toujours joué la carte « femme et noire » dans les polémiques qu’elle s’est ingéniée à provoquer n’excuse rien. Parfaitement conscient, le Front national s’est d’ailleurs prestement débarrassé du boulet en excluant l’analphabète politique. La publication de la photo et la phrase de justification, même en privé, étaient inadmissibles et indiscutablement condamnables.

C’est la raison pour laquelle le parquet de Paris s’est rapproché de la ministre pour savoir si elle entendait donner une suite et se constituer partie civile. La réponse fut négative. En parallèle était cependant, enclenchée une discrète manœuvre indigne d’un Garde des Sceaux en exercice.

Le parti politique Walwari, fondé par Christiane Taubira et domicilié à sa permanence, au sein duquel deux de ses fils ont des responsabilités dirigeantes, a lancé devant le tribunal correctionnel de Cayenne une citation directe en correctionnelle à l’encontre d’Anne-Sophie Leclère. Pour faire bon poids, Walwaiu a fait de même à l’encontre du Front national, pourtant personne morale ! D’ores et déjà, faisons trois petites précisions. Tout d’abord, la citation directe est une faculté donnée à une partie civile de saisir directement le tribunal correctionnel à la place du parquet. Encore faut-il être recevable à le faire, ce qui n’était absolument pas le cas de ce parti politique.

Le bagne (judiciaire) de Cayenne

Deuxième énormité, en matière de droits de la presse dont relève l’infraction alléguée, la poursuite des personnes morales est interdite. Troisième surprise, Christiane Taubira, Garde des Sceaux en exercice, a donné son autorisation écrite, indispensable du fait de son statut de victime ! En toute indépendance, le parquet local s’est empressé d’appuyer les demandes de Walwari. Cela n’a pas gêné non plus les avocats guyanais. Oubliant leurs traditions et notamment la mémoire de Gaston Monnerville, ils ont refusé de défendre Anne-Sophie Leclère. Celle-ci n’ayant pas les moyens de payer les services d’un avocat métropolitain pour se rendre en Guyane, ni de s’y rendre elle-même, a donc été jugée en son absence. Et il s’est trouvé une collégialité d’une institution judiciaire française pour prendre une décision hallucinante, comportant une liste interminable de violations de la loi, des principes et du droit constitutionnel à un procès équitable. Et le tribunal de prononcer un jugement en forme de tract politique ridicule pour lequel on ne relèvera que quelques-unes des violations gravissimes, de la loi, des principes et des libertés publiques : refus de relever l’irrecevabilité de la demande, refus de constater l’impossibilité d’exercice des droits de la défense, violation de la loi sur la presse relative aux personnes morales, instauration (grande première dans un droit français pourtant séculaire, et en dehors de toute base légale) de la responsabilité pénale collective (!). Et bien sûr, à l’encontre de toute jurisprudence, une condamnation délirante à neuf mois de prison ferme pour Madame Leclère et à des peines financières considérables pour le Front national. Cette décision insensée fut bien évidemment acclamée par les belles âmes pour lesquelles, contre le Front national ou Nicolas Sarkozy, la fin justifie les moyens.

Pourtant, un certain nombre de questions ont quand même été posées auxquelles aucune réponse n’a été apportée. Comment est-il possible qu’une ministre en exercice, incontestablement insultée, n’ait pas utilisé les procédures spécifiquement prévues à cet effet ? Pourquoi ladite ministre n’a pas informé le parquet de Paris qui s’était pourtant saisi de ce dossier de l’existence de la procédure guyanaise à laquelle elle a incontestablement prêté la main ? Comment avait été choisie Anne-Sophie Leclère par France Télévisions pour son reportage et comment se fait-il que l’émission disposait d’une capture d’écran datant de plusieurs semaines auparavant ? Et comment les magistrats de Cayenne ont-ils pu à ce point manquer à leur devoir ?

Tout ceci est lamentable et en dit long sur les valeurs républicaines de l’icône Taubira. Nous savions déjà, comme l’a déploré son successeur place Vendôme, que nous avions eu un Garde des Sceaux, plus mobilisée par la sculpture de sa statue dans la perspective d’une restructuration de la gauche, que par la mission qui lui avait été confiée.

En appel, le jugement de Cayenne a été, non pas réformé, mais purement et simplement annulé… Par la constatation du caractère irrecevable de la procédure initiée par le parti politique de Madame Taubira et approuvée par celle-ci. En parallèle, le parquet de Paris, probablement mortifié par tant de désinvolture et de manigances, a décidé de poursuivre sa propre procédure et a fait citer Anne-Sophie Leclère devant le tribunal correctionnel de Paris. Le président de celui-ci rappelant à l’audience sa surprise que Madame Taubira n’ait pas jugé bon de prévenir ledit parquet de la procédure de Guyane. La juridiction a rendu une décision après cette fois-ci le plein exercice des droits de la défense, conforme au droit et la jurisprudence. Anne-Sophie Leclère a été condamnée à 3000 euros d’amende avec sursis pour la publication pendant quelques jours de l’inadmissible photo sur son compte Facebook. Et l’a relaxée pour la phrase incriminée, considérant que la preuve de sa volonté de la rendre publique n’était pas rapportée. Retour du droit, des principes, et des libertés publiques tout simplement. Probablement aussi un petit coup de pied de l’âne, pour rappeler l’ex-Garde des Sceaux aux convenances.

Régis de Castelnau

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