Enfant martyrisé : sortir du fait divers

Nantes noyé

La presse vient de s’emparer d’une histoire épouvantable, celle de cet enfant martyrisé jusqu’à la mort par deux parents infâmes, et a lancé le grand tintamarre.

C’est bien de se réveiller quand il y a un fait divers. Ça devient une distraction. On va avoir droit à la séquence habituelle. Haro sur les parents indignes, mépris social, mise en cause des services sociaux et des instits qui n’ont pas vu arriver la catastrophe. Plus tard, quand le procès arrivera lynchage médiatique en grand, hurlements de rage si les parents ne prennent pas perpète. Il se trouvera également des braillards pour demander le rétablissement de la peine de mort.

Pourquoi se gêner, dès lors qu’il s’agit de s’acheter une bonne conscience pour vraiment pas cher.

Car bien sûr, tous les braillards « bouleversés » qui composent la meute, n’ont aucune idée de ce qu’affrontent tous les jours les services de protection de l’enfance des Départements? Ces assistantes sociales, ces « référents » ces éducateurs, et ces avocats, tous ceux qui tiennent le front, celui de la pire des misères, ceux dont on ne parle jamais si ce n’est pour les mettre en cause. C’est tellement facile.

Les départements, on vous dit de façon récurrente qu’il faut les supprimer n’est-ce pas ? Vous savez, le millefeuille administratif, avec tous ces fonctionnaires payés à ne rien foutre, Valls nous l’a promis en 2020 fini. Mais dites-moi cet empressement ne serait-ce pas parce que les départements, comme par hasard, avec la protection de l’enfance, ils ont aussi les personnes âgées et le RSA? Tout le social quoi. Ça coûte trop cher tout ça, les Français les plus pauvres vivent au-dessus de leurs moyens. C’est Schaüble qui l’a dit, approuvé par Moscovici et Peillon. Alors les départements voient leurs budgets rognés, diminués, en attendant que Macron, Fillon, Valls nous en débarrassent et foutent leurs fonctionnaires à la porte. Il nous faut des grandes régions à l’allemande, car faire comme l’Allemagne est devenue une obsession. Eux ils n’ont pas besoin de services de protection de l’enfance étoffés parce que justement des enfants, ils n’en font plus.

70% des dizaines de milliers de cas de violences à enfants en France sont des atteintes sexuelles, 30% des violences physiques habituelles. Violences qui ont lieu dans le huis clos familial. Et ce terrible front-là, celui de la misère ultime, qui le tient? Des gens magnifiques, dévoués, à qui on retire tous les jours des moyens. Sans que ça n’intéresse personne, c’est la partie cachée, le sous-sol, ce qu’on ne veut pas voir.

Il y a aussi une partie judiciaire, les auteurs des violences sont poursuivis, et les enfants pris en charge par le Département sont défendus par des avocats qui les représentent et les défendent à l’instance. C’est pour le moins éprouvant, et il faut avoir des nerfs solides pour prendre en charge l’innocence bafouée. Désormais, les miens sont un peu émoussés, alors en général je ne me précipite plus. Parce qu’en plus, il y a les dossiers, les expertises et les photos, ah les photos… Alors on envoie les costauds.

Le plus dur ce sont les confrontations dans le bureau des juges d’instruction entre les enfants et leur bourreau. Enfants qui sont en famille d’accueil ou en foyer, dont la vie est déjà en partie brisée et qu’il faut convaincre d’accepter d’être dans la même pièce et de décrire en face de lui ce qu’il leur a fait.

 Normalement, quand ils atteignent 18 ans, ils sont majeurs et plus sous la responsabilité du département, alors beaucoup sont lâchés dans la nature. D’autres ont de la chance, des services sociaux, qui font des pieds des mains, des acrobaties, arrivent à grappiller des ressources à droite à gauche, pour les emmener un peu plus loin dans la vie.

Alors comme d’habitude avec la tragédie de Nantes, on va se passer les nerfs sur les coupables directs ou indirects que la presse désignera, on verra plein de reportages et de micros trottoirs dans le voisinage. La haine dirigée contre la mère de Fiona, va changer de cible pour les deux parents infâmes, dont on ne sait rien ni ne saura rien de leur propre misère. Déploration, hurlements avec les loups, appels au châtiment, médias et réseaux vont s’en donner à cœur joie. Mais dans quelques jours il faudra bien retourner aux sujets importants, par exemple qui de Vincent Peillon, de Benoît Hamon, ou de Manuel Valls aura le privilège de se faire ridiculiser en mai prochain.

En attendant, puisque les médias font office de dealers on ne va pas se priver de sa petite dose de bonne conscience. Avec la misère des autres, c’est la meilleure.

Jusqu’à la prochaine fois.

Régis de Castelnau

1 Commentaire

  1. Bonjour, votre vision de l’ASE et sous-traitants est idyllique … mais erronée. Les intervenants qui font leur travail avec humanité et justesse existent heureusement, mais ces arbres ne doivent pas cacher la forêt, mieux la jungle, de la réalité des pratiques. Bonne journée.

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