Burkini : maintenant le chantage

L’été est arrivé, apportant avec lui ces drôles de sensations. L’été, ce sont les fruits, les longs crépuscules, les jours que l’on compte qui séparent des vacances, les ados débarrassés des examens et qui en sont encore plus bruyants et pénibles, la procrastination qui renvoie au mois de septembre les choses urgentes, les gros orages dont la pluie sur les sols chauds libère les odeurs de l’enfance. L’été, on le sait depuis Brel c’est la plaine fumante qui tremble sous juillet, quand le temps est au rire, quand le temps est au blé. Plein d’autres choses aussi, bien sûr mais au centre de tout ça, il y a la baignade, dans l’océan, la mer, les piscines, les lacs et les rivières. Avec lesquels la France et son climat est le pays rêvé.

À tous ces moments que l’on aime, est venu s’ajouter depuis l’année dernière après le massacre de Nice, le pénible feuilleton du burkini.  À l’invitation de ces intégristes, pour lesquels une femme qui n’est pas bâchée n’est qu’une pièce de deux euros passant de main en main, vont se multiplier les incidents. Parce qu’on le sait, et il n’y a aucune illusion à se faire, ceux qui veulent imposer à la femme un statut dégradant, ne vont pas se gêner pour remettre le couvert et multiplier les provocations, assurés qu’ils sont d’ailleurs de la complaisance des belles âmes. Qui tout à leur racisme essentialiste vous assènent: « si ça leur fait plaisir de se baigner en burkini, moi je m’en fous je me baigne à poil (sic) ».

L’un des chefs d’orchestre de ces tristes séquences, Marwann Muhamadd, représentant–agitateur d’un soi-disant Conseil Contre l’Islamophobie en France (CCIF) vient d’ailleurs d’annoncer officiellement la couleur dans un tweet : « on aimerait VRAIMENT éviter la saison 2 du #BurkiniGate. Mais je préviens à l’avance les municipalités tentées. Ça sera procès systématique »

Cela n’a pas fait froncer les sourcils à grand monde, pas plus d’ailleurs que les multiples provocations du sieur Rachid Nekkaz millionnaire douteux qui incite à violer la loi française en s’engageant à payer les amendes encourues.

Parce que quand même, n’y aurait-il pas un petit problème ? Les polémiques de l’année dernière ont éclaté lorsque des maires ont pris des arrêtés interdisant le port du burkini sur certaines plages. Face aux risques de troubles à l’ordre public provoqués par des gens trouvant intelligent de venir affublés du vêtement prosélyte le lendemain du massacre et à quelques mètres du lieu de celui-ci. Alors que la question était d’abord et avant tout politique, le débat juridique a fait rage, le Conseil d’État annulant un arrêté anti-burkini en rappelant certains principes. Celui de la nécessité d’identifier de possibles troubles à l’ordre public, et celui de préciser les périmètres d’interdiction. Le Conseil d’État jouant à cette occasion faussement les Ponce Pilate, en poursuivant l’orientation néolibérale qui lui est chère.

Mais ce n’est pas aujourd’hui le problème posé par la nouvelle provocation de Marwann Muhamadd. Celui-ci se livre à ce que l’on appelle en bon français, un chantage qui se présente très exactement de la façon suivante : « Messieurs les maires, qui entendez exercer les responsabilités de police administrative relatives à la sécurité et à la tranquillité, que vous assumez sur le territoire de la commune au nom du conseil municipal, eh bien, nous vous disons tout de suite que nous saisirons systématiquement les tribunaux. Et ce quel que soit le résultat espéré. Dans le but évident de mener une campagne visant à vous faire passer pour des racistes. Cette menace étant bien destinée à vous dissuader d’exercer les responsabilités que vous donne la loi et vous font obligation d’assurer la sécurité sur le territoire de votre commune. »

C’est ce que l’on appelle dans le jargon judiciaire « la menace d’user des voies légales » qui peut être constitutives du délit de chantage prévu et réprimé par l’article L. 312-10 du code pénal. La Cour de cassation s’est prononcée à plusieurs reprises et a défini le périmètre suivant : « alors que si la menace d’user des voies légales pour tenter d’obtenir réparation d’un préjudice ne saurait caractériser à elle seule une tentative de chantage, celle-ci se trouve en revanche établie dès lors qu’à cette menace s’ajoute celle de divulgation auprès du public de faits de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération  ».

La menace du caractère systématique des recours annoncés par l’agitateur, démontre bien que l’objectif ne sera pas de discuter et de contester les caractéristiques du trouble à l’ordre public à l’origine de l’arrêté contesté, mais de faire passer les maires pour d’ignobles racistes islamophobes. Pour des raisons d’hygiène, les bermudas sont interdits dans les piscines publiques. Comme peuvent l’être sur les plages les tenues susceptibles de mettre en cause la sécurité des baigneurs. Et il y a bien sûr aussi le trouble à l’ordre public provoqué par les réactions possibles à un prosélytisme ostensible, provocateur et dégradant pour l’image de la femme. Comme l’a montré l’affaire de Sisco en Corse.

Marwann Muhamadd affiche donc clairement sa volonté d’intimider pour empêcher ceux qui l’ont en charge, d’exercer la mission que leur donne la loi et pour laquelle ils ont été élus. Eh bien, en fait comme en droit cela s’appelle du chantage. Et ce serait peut-être une bonne idée que les parquets interviennent et le poursuivent pour lui rappeler, qu’il ne peut pas se permettre n’importe quoi et que ses rodomontades tombent sous le coup de la loi.

 

Régis de Castelnau

5 Commentaires

  1. Qu’un tel chantage soit poursuivi serait une bonne idée a priori.

    Mais le problème est plus grave : la loi, le droit ne sont plus respectés en tant que tels, ils sont utilisés comme des armes et pas seulement par ce militant de l’anti-islamophobie, par tous ceux qui en ont les moyens et qui y trouvent un intérêt.

    Nous ne croyons plus en la loi. C’est une maladie collective, mortelle peut-être.

    La meilleure preuve ? : à chaque fait divers un peu trop médiatisé on fait une nouvelle loi comme si, à la fois, la loi en vigueur au moment des faits était coupable de ne pas les avoir empêchés et que la loi future allait pouvoir empêcher qu’ils ne se reproduisent. C’est absurde. Mais ça ne rate pas. D’autant plus absurde que ça se sait et que ça se se dit. Mais c’est plus fort que nous.

    Poursuivre ce Marwann, n’est-ce pas tomber dans ce travers d’utiliser loi et droit comme des armes ?

    Les communes prendront bien les mesures qu’elles estiment devoir prendre.

  2. Voir la conclusion de cet article …. « La suite de la Fatwa est dévastatrice pour les partisans de l’islam politique. Le juge Cheikh Hassan Chehade rappelle qu’un femme voilée qui rentre sur une plage mixte commet plusieurs interdits. Il est inévitable qu’une femme voilée voit la partie intime d’un homme (du nombril au genou). De plus explique t’il, le burkina, comme le fait de se baigner habillée, montre le corps des femmes.
    Et le juge de terminer, une femme n’a pas le droit de prétendre être pieuse et exiger d’être sur une plage mixte. » http://www.ikhwan.whoswho/blog/archives/11163

  3. Jean-Pierre JULHES, merci. C’est Evident, au sens usuel du terme, et au sens juridique.

  4. Et les médias vont ainsi trouver un excellent prétexte pour parler d’autre chose que des ordonnances et des autres macroneries ….

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