Paris, il y a des blancs, il y a des noirs. Mais pas en même temps

Anne Hidalgo nous a rappelé avec force un des principes qui guident son action : «Paris est une ville mixte et je veillerai à ce que ça reste le cas dans les lieux publics ». Non mais ! L’esplanade de l’hôtel de ville en est une preuve. On y voit des blancs, et on y voit aussi des noirs.

Mais attention, pas en même temps.

J’avais été un peu gêné par la polémique sur le festival au cours duquel étaient organisés des ateliers « non mixtes » réservés aux femmes noires, sans hommes, ni blancs (femmes comprises). Gêné par la personnalité des organisateurs et de ceux qui les soutenaient, le PIR, Rokhaya Diallo, Boutelja, le genre de casting qui dit clairement quelles sont les détestables intentions. Mais en même temps, c’était une vraie question. J’ai pensé qu’il fallait cependant dire les choses, parce que les ateliers non mixtes ça existe. Descendant du TGV il y a quelques jours, je croisais une équipe d’une trentaine de personnes attendant sur le quai pour pouvoir se précipiter dans le train et le nettoyer. Je l’ai clairement vu l’atelier non mixte, il n’y avait que des femmes, noires. Comme ces matins d’hiver où je promène (très tôt) mon chien, et où je croise, sur le froid sombre des trottoirs, sortant de la Gare de Lyon, tous ces fantômes en boubous qui trottinent vers les grands immeubles, pour que les cadres des sociétés et les fonctionnaires du ministère des finances trouvent, bureau propre et corbeille vidée en arrivant. Que des femmes, noires là aussi. Et c’est à ces occasions que saute aux yeux le système, dont d’ailleurs les défenseurs du festival n’ont pas dit un mot, celui de ces habitants des grandes métropoles connectées qui élisent scrupuleusement Anne Hidalgo et Sadiq Khan, en profitant grassement de la mondialisation et acclamant Emmanuel Macron. Qui sont généreux, humanistes, pas racistes pour deux sous, mais trouvent parfaitement normal que leurs domestiques, les nounous, les femmes de ménage, les plongeurs, les chauffeurs, les caissières soient parqués dans des banlieues pourries, et viennent les servir dans les centres-villes en circulant de préférence sous la terre. Tôt le matin pour les femmes de ménage, et tard le soir pour les plongeurs, quand les insiders, repus sortent des restaurants branchés où ils ont passé la soirée. Et surtout pas en voiture. En auraient-il qui n’ont pas été brûlées par les racailles dans leur quartier, la circulation est volontairement rendue insupportable, et les voies rapides confisquées pour la promenade de quelques-uns, et la valorisation du patrimoine immobilier de tous les autres.

Une photo significative a été publiée dans la presse, et circulé sur les réseaux. On y voyait un groupe de femmes noires manifestant devant l’hôtel de Ville de Paris. Bel atelier non mixte, puisqu’il s’agissait des femmes de ménage de la ville qui, soutenues par la CGT, exprimaient leur volonté de voir améliorer leurs conditions de travail dont on imagine facilement qu’elles ne doivent pas être folichonnes.

Une autre photo lui succède ce matin, celle du «dîner en blanc»,  qui a eu lieu cette année sur… l’esplanade de l’hôtel de ville. Le «dîner en blanc» est ce «flash-mob» inventé il y a une trentaine d’années, c’est-à-dire bien avant Facebook, au cours duquel les grands, moyens, et petit-bourgeois de Paris, se rassemblent par centaines, voire par milliers, à un endroit connu au dernier moment pour y dîner, de pied en cap habillés de blanc. Investissant sans autorisation préfectorale, en plein état d’urgence, et avec une arrogance ingénue, l’espace public, ces gens-là festoient sans mesurer l’indécence de cette prétention à signifier que la règle commune ne leur est pas applicable. Autre façon de dire qu’ils sont les maîtres puisque les autorités laissent faire. Cette année, c’était sous les fenêtres d’Anne Hidalgo.

Rapprochement absolument meurtrier, que de voir cet autre atelier non-mixte, où cette multitude de personnes blanches de peau et de tenue occupent illégalement l’espace commun. On imagine en plus que beaucoup d’entre eux protestent hautement (à juste titre et comme moi) contre les prières de rue. Sans mesurer qu’il y a quand même un petit problème et qu’ils ne sont pas idéalement placés.

Les organisateurs, sûr d’eux, nous annoncent encore plus grand pour le 30e anniversaire l’année prochaine. Rappelez-moi le score d’Emmanuel Macron à Paris le 7 mai. 89,69 % ?

La start-up Nation, je crois que je vais avoir du mal.

 

Régis de Castelnau

13 Commentaires

  1. Il me semble que cela fait un bout de temps qu’ils demandent l’autorisation préféctorale.
    Il me semble également difficile de mettre sur un pied d’égalité des manifestations interdites à certains (avec le caractère violent et illégale que cela peut représenter) à des situations de fait où l’on constate maheureusement une mixité assez faible mais dont on peut penser que ce n’est pas volontaire et qu’elle progressera naturellement.

  2. « Et c’est à ces occasions que saute aux yeux le système, celui de ces habitants des grandes métropoles connectées qui élisent scrupuleusement Anne Hidalgo et Sadiq Khan, en profitant grassement de la mondialisation et acclamant Emmanuel Macron. Qui sont généreux, humanistes, pas racistes pour deux sous, mais trouvent parfaitement normal que leurs domestiques, les nounous, les femmes de ménage, les plongeurs, les chauffeurs, les caissières soient parqués dans des banlieues pourries, et viennent les servir dans les centres-villes en circulant de préférence sous la terre. Tôt le matin pour les femmes de ménage, et tard le soir pour les plongeurs, quand les insiders, repus sortent des restaurants branchés où ils ont passé la soirée. »

    Too, too true. Vos yeux de lynx voient dans la nuit M. de Castelnau.

  3. oui mais comme vous le dites vous même les manifestions »en blanc ont lieu depuis 1987 ,bien avant les problèmes du »vivre ensemble « d’aujourd’hui dont nos élites sont dans le déni …. , vous amalgamez cette manif en blanc ,un peu snobinard et élitiste j’en conviens avec les problèmes racistes d’aujourd’hui mais bon ces hommes en blanc et femmes ,un coté zazou(pendant l’occupation ! 1940-44 des années 1940 ,très parisien , je trouve,moi le provincial .la légéreté de l’être et l’insouciance ,;alors bien sûr on peut voir le mal partout mais bon vos articles, pas politiquement correct, sont toujours intéressants (sans flagornerie)

  4. « … mais dont on peut penser que ce n’est pas volontaire et qu’elle progressera naturellement. » Quand dans Paris la  » minorité visible » sera à égalité de fonctions et de logements de ces blancs et de peau et de vêtements. Je préfère penser qu’il s’agit là d’un propos naïf, cher petit blanc…comme moi.

  5. Oui, ça m’étonne de vous ça… C’est faire preuve d’un grosse dose de mauvaise foi que de mettre dis à dos la non mixité de fait (regrettable) avec la non mixité de droit. Je suppose qu’un noir vêtu de blanc ne serait pas rejeté dans le happening audition video fairs reference… In home bien a-t-il essayez de se rendre dans une réunion non mixte pour voir ?

  6. Mon commentaire a du se perdre..

    Il me semble quand même délicat de faire de tels parallèle.
    Le rassemblement en blanc existe depuis 30 ans et vise à réunir des gens qui ne se connaissent pas sur des symboles: un lieu différent, une couleur de tenue commune qui représente l’élégance et la vie en Occident, un moment festif le repas.
    Il n’y a nulle interdiction de participer envers quiconque, les autorisations sont demandées et les règles sont appliquées par chaque participant.

    Je ne partage pas les parallèles avec les autres « rassemblements » qui procèdent de phénomènes totalement différents : travail, revendications….

    Enfin reproche t’on a un peuple sa couleur majoritaire dans son pays ?

  7. c’est d’une autre violence dont on parle…..quant à la progression, pourvue qu’elle soit ailleurs que ce dîner en blanc…

  8. un dîner annuel en blanc (et non pas réservé aux blancs) dans l’espace public et des prières de rue cinq fois par jour (réservées aux musulmans) dans ce même espace public c’est un peu différent.

  9. C’est bien, les riches blancs. Restez entre vous, avec, de plus, bonne conscience. Vous voyez, pas besoin d’opérer une sélection à la participation, la discrimination s’opère d’elle-même. Ça ne vous fait pas réfléchir ? Continuez, avec la bénédiction de St Macron, votre idole qui va intégrer dans le droit commun les dispositions de l’état d’urgence, ni vu ni connu. Qui installe à l’Elysée une cellule policière qui rendra compte directement à Son Éminence, et qui pourra le renseigner comme le faisaient les RG, naguère.
    Jusqu’au jour où…

    Alain BARASZ.

  10. @ Maignan « Il me semble également difficile de mettre sur un pied d’égalité des manifestations interdites à certains (avec le caractère violent et illégale que cela peut représenter) »: c’est oublier un peu vite la violence symbolique et sociale qui s’exprime partout et dont l’article témoigne. N’oubliez pas Macron répondant à un syndicaliste qui lui reprochait le prix de son costume: « la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler » alors qu’il y a juste 4 millions de chômeurs en France, dont la plupart aimeraient bien avoir un emploi qui leur permette de vivre décemment avant de se payer des costards à plusieurs ailleurs d’euros comme notre président-banquier millionnaire…
    Quant au rassemblement interdit aux hommes et aux blancs, je serai bien curieuse de savoir en quoi il est illégal. Les cercles divers et variés qui se réunissent dans l’entre-soi seraient-ils, eux aussi, illégaux ? Il faudrait alors faire un sacré ménage dans tous les rassemblements… La seule différence est que les organisateurs ont la franchise de dire clairement qui ils excluent de leur rassemblement…
    Interdire de tels rassemblements est aussi une façon de maintenir ces populations issues de l’immigration dans l’infantilisme et la dépendance par rapport à l’ancien colonisateur, une façon de rappeler que, d’une certaine façon, ils sont encore esclaves ou indigènes…

  11. « …viennent les servir dans les centres-villes en circulant de préférence sous la terre. »

    Qu’est-ce que c’est que ce misérabilisme communiste ? Vous êtes en train de nous dire, en somme, que femme de ménage est un métier abominable, affreusement pénible et qu’il ne devrait plus exister ; quant au métro, il faudrait le supprimer d’urgence, ¨parce que « circuler sous la terre » c’est vraiment un supplice intolérable.

    Personnellement, j’ai passé ma vie à « circuler sous la terre », et jusqu’à présent je n’avais pas eu l’idée de m’en plaindre. Mais maintenant que vous le dites, je suis peut-être une pauvre victime moi aussi ? J’ai peut-être droit à des indemnités, une repentance en ma faveur, quelques petits avantages sociaux ? Merci de bien vouloir m’indiquer le guichet y afférent, ça pourrait m’être utile.

    Etre femme de ménage aujourd’hui en France pour nettoyer des bureaux, ce n’est nullement un métier pénible. Il n’y a que dans votre tête que c’est infamant.

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