«Outrage sexiste»: une aberration juridique inapplicable

 

 

FIGAROVOX/ENTRETIEN -pour Le Figarovox j’ai analysé la faisabilité juridique d’un «délit d’outrage sexiste» que propose le rapport parlementaire remis à Marlène Schiappa. Selon lui, il ne peut être défini clairement du point de vue du droit, tout autant qu’il serait impossible à verbaliser pour les agents des forces de l’ordre.

 

FIGAROVOX.- Un rapport de parlementaires remis au gouvernement propose des pistes pour mettre en œuvre un «délit d’outrage sexiste», soit une contravention pour punir le harcèlement de rue. Cette proposition est-elle réalisable?

 

Régis de CASTELNAU.- Non. En tout cas, pas si l’on veut continuer à respecter les principes du droit pénal et à préserver les libertés publiques. Et ne pas se tromper sur les missions prioritaires des forces de l’ordre. Comprenons-nous bien, il ne s’agit pas de créer un «délit» relevant du tribunal correctionnel mais d’une simple contravention verbalisable immédiatement. Ce serait donc le régime de la contravention justiciable d’une amende de composition, comme les infractions les moins graves dans le Code de la route. Où la simple constatation irréfutable par agent assermenté (stationnement gênant, franchissement de ligne jaune, traversée en dehors des clous…) d’une infraction au Code de la route permet d’infliger une amende sans qu’il soit besoin de passer devant un juge. La constatation, seul support d’une condamnation automatique, est essentielle et doit être irréfutable. Pour les infractions au Code de la route ou les déjections d’un animal de compagnie sur les trottoirs, il existe des systèmes irréfragables. Mais pour l’outrage sexiste, cela va être une autre paire de manches! En effet, le simple bon sens permet déjà de s’interroger sur une organisation qui verrait des policiers et des gendarmes déjà en nombre insuffisant patrouiller dans les rues, les wagons de métro ou les centres commerciaux pour surprendre et interpréter des conversations, des mots et des gestes et en conclure sans connaître les rapports existants entre les protagonistes qu’il s’agit bien d’un outrage sexiste au sens de la loi. Procéder à l’appréhension du contrevenant, obtenir son identité, et lui remettre la contravention. Bon courage à eux…

 

 

Dans leur rapport, les parlementaires définissent l’outrage sexiste comme «le fait d’imposer, dans l’espace public, à raison du sexe, de l’identité ou de l’orientation sexuelle réelle ou supposée de la personne ou d’un groupe de personnes, tout propos ou comportement ou pression à caractère sexiste ou sexuel qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit qui crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.» Est-il possible de définir le harcèlement de rue d’un point de vue juridique?

 

La définition donnée par les parlementaires montre bien la difficulté à appréhender de façon claire et précise ce qu’est l’outrage sexiste contraventionnel.

 

Non. En tout cas, pas pour en faire une contravention. Ce rapport a des aspects intéressants, qui curieusement ne concernent pas la dimension juridique et pénale des moyens de s’opposer aux outrages sexistes. Il y a des propositions pertinentes, qui relèvent naturellement des questions d’éducation parce que le lieu du combat est bien celui-là. Dès lors qu’on aborde, de façon très lapidaire d’ailleurs, l’aspect juridique, on évite soigneusement de poser les questions qui fâchent. La définition donnée par les parlementaires montre bien la difficulté qu’il y a à appréhender de façon claire et précise ce qu’est l’outrage sexiste contraventionnel. Sur un plan factuel et descriptif, qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire? D’abord dans le harcèlement, il y a les gestes, ces signes et ces attouchements qu’en général le harceleur s’efforce de faire sans témoin, et surtout pas en présence d’un représentant assermenté des forces de l’ordre. Ce sont aussi des paroles, interpellations, moqueries, insultes qui peuvent rendre insupportable et humiliante la traversée de certains quartiers. Si un agent assermenté est dans les parages (ce qui arrive parfois dans la rue), et s’il a clairement entendu ces expressions blessantes, on peut imaginer de réprimer ce comportement. Le problème en matière d’expression est que la liberté en est le principe, les limitations assorties de sanctions, l’exception. Qui relève constitutionnellement de la loi qui peut en prévoir un nombre limité et justifié. Et la règle impérative veut que ce soit le juge qui apprécie souverainement l’infraction.

Les rédacteurs du rapport ont parfaitement mesuré la difficulté qu’il y avait à définir l’outrage sexiste de façon pénalement acceptable. On y trouve effectivement la perle suivante: «S’il n’apparaît pas opportun de définir de manière précise dans la loi ou le règlement les comportements constituant un outrage sexiste ou sexuel, il est pour autant essentiel de déterminer clairement les éléments constitutifs de l’infraction afin de garantir le principe constitutionnel de légalité de la peine.» Si l’on comprend bien: «ne soyons pas précis, mais soyons clairs». Eh bien précisément, c’est là que le bât blesse, le principe de la «légalité des peines» c’est celui de la «spécialité». L’infraction doit être définie de façon suffisamment précise parce que la loi pénale est d’interprétation restrictive. La première rédaction de l’article relatif au harcèlement moral avait été retoquée pour cette raison par le conseil constitutionnel. Ce qui nous est proposé est un singulier fourre-tout que le juge, dont c’est pourtant l’office, ne pourra même pas interpréter puisque cette fonction sera dévolue à l’agent assermenté.

 

 

On se souvient qu’un collectif de femmes s’était monté à La Chapelle Pajol pour dénoncer un harcèlement de rue systématique. C’est un fait que dans certains lieux, il est difficile pour des femmes de se promener sans recevoir d’injures. Notre droit actuel est-il suffisant pour répondre à ce genre de situations?

 

La loi n’a pas une fonction proclamatoire, et n’est pas destinée à faire plaisir à ceux qui en sont les initiateurs.

 

Non. Parce que ce n’est pas un problème juridique, mais un problème social et politique. Le rapport le dit très bien, l’arsenal pénal français pour réprimer les violences faites aux femmes est déjà très conséquent. Mais comment voulez-vous utiliser la répression pénale dans un quartier gangrené par une situation sociale inextricable ? Par «certains lieux», vous visez des endroits, véritables zones de non-droit, où survivent de jeunes migrants clandestins massivement masculins, venus de cultures très différentes, à qui l’on a fait croire qu’ils arrivaient dans un eldorado où les femmes étaient à disposition puisqu’habillées de façon impudique. Imaginez-vous des policiers allant appréhender un siffleur, un insulteur ou un frotteur, lui demander de décliner son identité, et lui remettre une contravention à payer immédiatement de 90 € ? Soyons sérieux.

 

 

Marlène Schiappa justifie cette proposition comme avant tout «symbolique» pour permettre «un changement des mentalités et des comportements». Est-ce le rôle de la loi d’être «symbolique» et de changer les mœurs?

 

Non. La loi n’a pas une fonction proclamatoire, et n’est pas destinée à faire plaisir à ceux qui en sont les initiateurs en promulguant un texte qui portera leur nom. De plus si la loi répressive peut et doit être aussi un outil de prévention, ce n’est pas un outil d’éducation. C’est l’évolution de la société qui précède l’adoption des textes. Si l’on a supprimé du Code pénal les infractions relatives au vol de fruits dans les vergers et au vagabondage, c’est parce que la société avait changé. Malheureusement, cette inflation législative pénale systématique, témoigne au-delà de la démagogie politique, de ce que Philippe Murray qualifiait «d’envie de pénal». Interdire, censurer, punir semble être le triptyque d’un néo féminisme dont cette proposition porte malheureusement la marque.

 

Régis de Castelnau

8 Commentaires

  1. Déjà le prophète Isaïe le disait, s’adressant à la ville Jérusalem : « tes princes sont des rebelles ! ».
    Rien de nouveau sous le soleil.
    Nos princes, qu’ils soient de la politique ou des média, se veulent tous rebelles. Écoutez-les se vanter des tabous qu’ils prétendent abattre ou du vieux monde qu’ils prétendent faire disparaître…
    Ils méprisent le statu quo, ils méprisent l’obéissance, ils méprisent le respect dû à la loi, ils méprisent les lois, toujours fautives à leur yeux, car faites par d’autres, avant eux. Alors ils font d’autres lois, persuadés que ces lois-là, les leurs, seront obéies et auront les effets qu’ils leur prêtent…
    Mais ça ne marche pas.
    Les lois n’ont pas d’effets magiques. Pas plus celles-ci que celles-là.
    Et ainsi il y a toujours plus de lois. Qui ont toujours moins d’effet.
    Ils le savent d’ailleurs. C’est de notoriété publique. Mais, comme l’alcoolique convaincu que chaque verre est le dernier, ils sont convaincus que chaque loi est la dernière…
    Mais, même à soi-même, on ne peut pas mentir sans fin.
    Alors ils font des « lois symboliques », des lois dont ils savent eux-mêmes qu’elles ne sont pas de vraies lois et qu’elles n’auront aucun effet. C’est plus fort qu’eux…

  2. Quand la société à travers la loi est incapable de défendre les victimes, les victimes si elles ne veulent plus accepter cet état de fait, n’ont plus qu’à trouver d’aires moyens pour se défendre elles-mêmes.
    http://www.valeursactuelles.com/societe/squat-de-roms-garges-les-gonesse-le-temps-des-milices-92969

    J’ai assisté ça un jour, et ça a été jouissif. Deux gars qui outrageaient systématiquement des jeunes filles qui passaient dans la rue. Or l’une d’elles attendait un mec, un champion en arts martiaux visiblement…

  3. Je me suis fait très souvent traité de pédé quand j’était ado ou jeune adulte.
    Pédé, c’était vrai et j’ai même été coursé dans les années 80/90/2000 à la barre de fer dans des sous-bois pour hommes… Autre époque!
    Je n’ai jamais été traumatisé par ces chasses à l’homme.
    Les flics passaient tellement souvent que les « crânes rasés » venait rarement et quand ils venaient, on savait qu’ils étaient tellement bourré qu’ils finiraient le nez dans la gadoue.
    C’était une sorte de théâtralité.

    J’ai l’impression que le sociétalisme d’aujourd’hui est toujours de l’ordre de la théâtralité, mais sans humour ni distance…ni pardon.

  4. @Maître de Castelnau, un (pas complètement) hors sujet, si cela ne vous ennuie pas:

    La fixation d’un « âge de non-consentement présumé » à des relations sexuelles se précise.
    http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/03/06/un-pas-vers-l-interdiction-des-rapports-sexuels-entre-majeurs-et-mineurs-de-moins-de-15-ans_5266139_1653578.html
    Mais la peine de 5 ans d’emprisonnement en cas d’agression sexuelle sur mineur dont il est question en fin d’article me semble faire double emploi avec 227-25 du code pénal.
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000006418101
    En outre, cette peine serait majorée de 5 ans ans si l’infraction répond à la définition du viol
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006417678&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20180306
    Il y aurait donc 2 cas de viol sur mineur, avec les mêmes conditions, mais pas les mêmes peines…
    A se demander quels sont les plus incompétents, des experts qui ont fait ces propositions ou des journalistes qui les rapportent. Ou si c’est moi qui ne comprends rien.
    Qu’en pensez-vous ?

  5. Vols, meurtres, achats d’actes sexuels, viols : la punition ne sert à rien…

    Actuellement 65 % des délinquants et des criminels en France récidivent… et même plusieurs fois ! Alors à quoi a servi la prison pour eux ? Celle-ci n’a jamais soigné ni guéri ni rééduqué et bien au contraire elle détruit même le peu d’humanité qu’il y a chez ceux que l’on appelle des « monstres ». Je partage l’avis de l’une de mes anciennes psys que celle-ci m’avait communiqué autrefois au sujet du livre de l’ex-compagne du précédent Président de la République : « Le cerveau a besoin de se venger ! » VOILÀ EN RÉALITÉ À QUOI SERT LA JUSTICE : LA VENGEANCE ! C’est une honte ! et pour moi ce n’est pas ça la justice ! Si justice il y avait ce serait à mon avis une institution qui protégerait grâce uniquement aux soins et à la guérison. Certes comme me l’a fait remarquer aussi autrefois une autre de mes anciennes psys : « Il n’y a pas besoin d’être fou pour tuer ! » C’est-à-dire qu’à son avis on peut faire des crimes et des délits uniquement par intérêt personnel et non pas seulement rien qu’à la suite d’un trouble ou d’une maladie. Dans le domaine aussi bien du viol que de l’achat des actes sexuels je partage l’avis là aussi encore de mon ancienne psy : « Les féministes veulent ce qu’elles n’auront jamais ! » C’est comme je l’ai déjà dit autrefois par ailleurs sur ce site ce qu’avait justement déjà découvert Freud sur ses patientes hystériques de la bourgeoisie de Vienne et qu’il avait appelé à mon avis à juste titre : « l’envie du pénis ». Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est celle-ci prière de faire des recherches sur Internet à cette expression : « envie du pénis ». Pour les violeurs la prison ne sert évidemment à rien puisque justement soi-disant d’après les médias ils récidivent pire que tous les autres criminels. Et si la solution de la castration médicale (que j’ai personnellement subie dans le cadre de mes soins pour ma schizophrénie et cela je le rappelle sans même qu’alors on ne me demandât mon consentement à ce sujet) n’est toujours pas actuellement retenue c’est bien avant tout parce que les féministes réclament pour soi-disant solutionner le problème du viol que toujours plus de punitions. Mais toujours plus de punitions n’empêche pas qu’il y ait toujours plus de viols et surtout actuellement ! Quant au problème de l’achat des actes sexuels actuellement ça ne solutionne pas du tout le problème des prostitué(e)s lesquel(le)s contrairement à ce que les féministes affabulent veulent continuer toujours plus et toujours mieux l’exercice de leur charmante profession… La religion dit : « Dieu est amour ! Dieu ne punit pas ! » Je ne suis pas croyant et n’ai même pas été baptisé… Je ne crois ni au paradis catholique au ciel ni au paradis communiste sur terre… Je lutte à ma façon pour un monde meilleur où il y aurait plus d’amour ! Mais dans ce monde actuel de fous et de merde peut-on prédire l’avenir de l’humanité même souffrante ?

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