Affaire Tron : Juliette Méadel et son mépris du droit

Sollicité par le Figaro, j’ai livré un commentaire des propos de Juliette Meadel qui, comme on le sait réclamer après l’acquittement de Georges Tron l’abandon du principe pénal « du doute profitant à l’accusé ».

Je mettais ses demandes délirantes d’atteintes aux libertés fondamentales sur le compte de la bêtise et de l’ignorance. Sur l’ignorance, j’avais tort. J’ai appris avec effarement que ce personnage avait d’abord été avocate, titulaire du Capa et docteur en droit, avant d’aller à l’ENA. Ce qui veut dire que sa sortie déshonorante était donc PARFAITEMENT CALCULÉE. La seule motivation étant de flatter le pire du populisme judiciaire.

 

 

Pour les retardataires et ceux qui ne lisent pas le Figaro, je reproduis ici l’article publié le 16 novembre sur le site du Figarovox.

 

Acquittement de George Tron : «Juliette Méadel milite pour une justice arbitraire !»

 

 

L’arrêt rendu par la cour d’appel de Bobigny qui a prononcé l’acquittement prévisible de Georges Tron après quatre semaines d’audience a provoqué l’habituel concert de hurlements de la cohorte des néo féministes en rage. Toujours les mêmes, comme d’habitude armés de leur ignorance et de leur bêtise se transforment en meute de lyncheurs, et s’en donnent à cœur joie. Lamentable spectacle où sur les plateaux et les réseaux, des leaders d’opinion et des responsables politiques rivalisent de démagogie et n’hésitent pas à prôner le retour à des formes de barbarie pénale et l’abandon des principes de liberté qui organisent la vie dans une société démocratique.

Je ne sais pas grand-chose de ce dossier, et ne connais aucun des protagonistes. Je n’ai aucun avis particulier sur Georges Tron dont je ne suis pas l’avocat. Je rappellerai simplement que l’acquittement qui vient d’être prononcé par la Cour d’assises intervient après une procédure d’instruction minutieuse aboutissant à une ordonnance de non-lieu prononcé par le juge d’instruction ayant accompli tous les actes et en particulier auditionné toutes les parties. Il devait donc savoir de quoi il parlait. Cette ordonnance a été rendue sur réquisitions conformes d’un parquet également partie à la procédure au fur et à mesure qu’elle se déroulait. Sur appel de la seule partie civile, l’ordonnance fut soumise à la chambre d’instruction. Malgré de nouvelles réquisitions de non-lieu du parquet, par un arrêt qui a surpris le monde judiciaire, la chambre d’instruction a réformé l’ordonnance de non-lieu. Décision rendue par trois magistrats munis de la seule connaissance écrite du dossier. Et sur laquelle les mauvaises langues relevaient une certaine sensibilité à l’air du temps au détriment de la réalité du dossier.

Après l’affaire Weinstein et la campagne #metoo, et malgré les faiblesses relevées par le juge d’instruction et le parquet ce dossier est devenu emblématique du combat des néo féministes victimaires. Une première audience avait commencé à se tenir au mois de décembre 2017 dans des conditions de pression médiatique et politique incompatible avec l’exercice d’une justice sereine. Le procès fut donc renvoyé. Chose surprenante, le parquet utilisant l’adage «la plume est serve mais la parole est libre» avait décidé de ne pas suivre à l’audience les réquisitions écrites tout au long de la procédure, et a demandé la condamnation des accusés. C’est à qui pratiquera la démagogie la plus crasse.

Toute l’instruction vient d’être refaite à la barre pendant quatre semaines et un débat contradictoire beaucoup plus serein s’est déroulé, à la suite duquel le jury populaire et les trois magistrats qui composaient la Cour ont considéré qu’une vérité judiciaire permettant d’entrer en voie de condamnation n’était pas établie.

Et ce fut immédiatement le tollé. On a retrouvé les mêmes agités et les mêmes démagogues que d’habitude occupés à exciter la meute et à insulter la justice comme cela avait été le cas dans l’affaire Jacqueline Sauvage où il fallait faire passer, contre l’évidence, une meurtrière pour une victime. Cette fois-ci, pour transformer un homme politique acquitté après une procédure régulière en un abominable Barbe-Bleue. Lorsque l’on voit ceux qui mènent ces campagnes, on mesure parfaitement quel est leur objectif. Tout à leur ignorance en matière de libertés publiques quand ce n’est pas de la haine pour celles-ci, ils réclament à grands cris l’abandon des principes qui gouvernent le procès pénal dans notre pays.

C’est à qui pratiquera la démagogie la plus crasse, dans un contexte de surenchère et de rivalité. Mais ce qui finalement rassemble ces tristes bateleurs, c’est leur aversion pour la justice. Dont ils n’ont en général aucune idée des bases, la considérant comme un outil à instrumentaliser au service de leurs mauvaises causes. Les principes et les règles du droit pénal qui encadrent l’utilisation de la violence légitime par l’État les révulsent. Considérées comme autant d’obstacles à la mise en pratique de leurs idées sommaires. Présomption d’innocence, charge de la preuve, débat contradictoire, bénéfice du doute, toutes ces vieilleries multiséculaires, considérés comme autant d’entraves à la justice expéditive, sont à prestement jeter par-dessus bord.

Pour la pire déclaration, on retiendra cette fois-ci la candidature de Juliette Méadel qui succède à Jacques Toubon au poste envié d’énarque, ancien ministre et militant pour l’arbitraire judiciaire. Celui qui est aujourd’hui défenseur des droits, ancien Garde des Sceaux de droite, doit considérer qu’il a des choses à se faire pardonner. Il passe son temps à faire de la surenchère sur les calembredaines de la bien-pensance. Le 27 novembre 2017, il n’avait pas hésité à réclamer le renversement de la charge de la preuve en twittant: «en cas de harcèlement sexuel, c’est à l’auteur des faits de démontrer devant la justice qu’il n’y a pas eu harcèlement.» Encore bravo!

En 2018, c’est donc Juliette Méadel, ministre socialiste de François Hollande, installée depuis sur la niche marketing qu’elle pense porteuses du néo féminisme, qui décroche la timbale. Relisons son tweet grandiose: «accusations de viol: Georges Tron acquitté. Verdict désespérant pour le droit des victimes. Le doute ne doit pas bénéficier aux accusés! C’est le retour du droit de cuissage?» Très joli, les trois magistrats professionnels et les six jurés la cour de Bobigny seraient donc partisans de la restauration du droit de cuissage médiéval? Et la seule façon de l’éviter serait de renoncer à un principe fondamental et universel du droit pénal? Madame Méadel mesure-t-elle l’indécence de son propos, et son caractère déshonorant? Surtout lorsque l’on apprend effaré, qu’elle est titulaire d’un doctorat de droit privé, et avocate «de souche» ayant commencé sa carrière professionnelle par le barreau avant de rejoindre l’ENA.
On ne fait pas de droit à l’ENA, ce qui explique le nombre préoccupant d’ignares juridiques parmi les anciens élèves, mais Juliette Méadel n’a même pas cette excuse. En revanche, un peu de formation continue en droit pénal ne serait pas du luxe. Réfugiée dans une confortable pantoufle à la Cour des Comptes, elle n’en aurait pas besoin pour ses tâches que l’on imagine harassantes, mais ça lui éviterait peut-être de proférer ce genre d’horreur.

Traitant cette triste saillie par la dérision, un de ses contradicteurs sur Twitter lui a fourni la bonne réponse: «au nom de #metoo, il faut aussi établir que la détention est la règle et la liberté l’exception, que la peine n’a pas besoin d’être prévue par un texte, que la loi plus sévère est toujours rétroactive.» Comme ça, fini le droit de cuissage. On ajoutera qu’il faut prévoir également que le lynchage sans procès est la seule solution envisageable en cas d’accusation de viol ou d’agression sexuelle.

On gage qu’à chaque fois Madame Méadel jouerait des coudes pour être au premier rang.

Régis de Castelnau

23 Commentaires

  1. Impossible de lire l’article sur le site figarovox, car page introuvable;
    Dommage
    Claudon

    • réclamer ? Coquille ?
      Sollicité par le Figaro, j’ai livré un commentaire des propos de Juliette Meadel qui, comme on le sait réclamer après l’acquittement de Georges Tron l’abandon du principe pénal « du doute profitant à l’accusé ».

  2. Bonsoir Maître,
    La page du Figaro n’est plus disponible. Dommage…
    Bien cordialement

  3. Bonjour Mr.de Castelnau,

    Je me précipite sur l’article mais la page est introuvable!

  4. « Le doute ne doit pas bénéficier aux accusés » ??? Pour un avocat, dire cela c’est purement scandaleux. Une des bases, sinon LA base de notre droit avec ou sans la guillotine niée ainsi. Pour un avocat et un(e) responsable (?) politique, dire cela c’est une saloperie (excuser le mot mais je n’en vois pas d’autre) sans nom…

  5. « Pour les retardataires et ceux qui ne lisent pas le Figaro,… ». Merci beaucoup. Newsletter desabonne. Pas besoin de votre arrogance.

    • Ben moi je lis pas Le Figaro…. et je n’avais pas vu les commentaires de meadel sert à rien..

  6. Bonsoir,
    La reprise, sur votre blog, du contenu de VOTRE article : Acquittement de George Tron : «Juliette Méadel milite pour une justice arbitraire !» serai-il à ce point « politiquement incorrect » que le lien proposé renvoi sur une page « article introuvable »….
    Quoi en penser?

  7. Bon article. Notez quand même que le droit de cuissage n’a rien de médiéval. C’est plutôt une invention des modernes.
    D’une manière générale, il convient de se méfier du qualificatif médiéval, couvrant 1000 ans d’histoire.

  8. Bonjour Monsieur,

    Je vais lire avec intérêt cet article car évidemment, je suis attaché comme vous à la dignité
    humaine et aux principes fondamentaux du droit pénal et du droit disciplinaire. Je suis étonné que vous publiiez dans « Le Figaro ». Pour ma part, je boycotte cette presse, non à cause de sont positionnement idéologique mais parce qu’elle nourrit Mr Zemmour, un individu qui entend mettre toute une partie de la population de notre pays « sur des bâteaux ». Des bâteaux du type « Exodus », voire « Cap Arcona »….

    Pour le reste, j’apprécie bien votre blogue et je respecte votre piété filiale.

    Bonne continuation.

  9. Merci Monsieur de Castelnau, vos lettres sont toujours très intéressantes.

    Qu’en est-il de l’affaire Denis Baupin ? Y-a-t-il eu des poursuites ?

    Savez-vous si Daniel Morin a été sanctionné pour ses propos dégoutants envers Charlotte d’Ornellas ? ( pour ma part, j’ai contacté le CSA et la médiatrice de France Inter )

    Je m’interroge aussi sur la condamnation à 3 mois de prison avec sursis d’un individu accusé d’avoir touché les fesses d’une jeune femme dans le métro sur la foi d’une vidéo prise après les faits donc aucunement constitutive d’une preuve.
    Savez-vous si des témoins ont corroboré l’accusation ? Sinon c’est un pas de plus vers l’arbitraire .

    Pour les lecteurs de ce blog , rassurez-vous je ne défends pas les frotteurs …

  10. Cher Maître, vous écrivez « On ne fait pas de droit à l’ENA, ce qui explique le nombre préoccupant d’ignares juridiques parmi les anciens élèves »
    Je n’ai moi même pas fait de Droit (ni l’ENA) mais j’ai appris au cours de ma scolarité (au collège ?, au Lycée ?) que, par principe, le doute bénéficie à l’accusé.
    Je pensais donc que ce principe était connu de tous.

  11. Si le Parquet bafoue le droit et la justice alors c´est la porte ouverte à l´anarchie.

  12. J’ai pu lire votre commentaire et découvrir les propos de cette dame.
    Donc manifestement elle profère des idées d’un autre temps en matière de droit et semble ignorer que le droit de cuissage tel qu’elle semble le concevoir n’existait pas non plus !
    Et on appelle ça élite ?

  13. Concernant l’affaire Georges Tron, il est évident que le doute doit bénéficier à l’accusé.
    Ceux qui disent le contraire comme Jacques Toubon et surtout Juliette Méadel ne sont pas « défenseurs du droit » mais d’une mentalité totalitaire.

    Toubon, quel politicard !
    Je me souviens après l’élection de Mitterrand (mai 1981). Il faisait partie de ces députés qui faisaient un « cinéma » ultra-réac contre la nouvelle majorité. Et de nos jours, le même Toubon est plus « gauche sociétale » que tout le monde.
    Est-ce une évolution ? Je ne crois pas. En 1981 et en 2018, Toubon va dans le sens de la bien-pensance du moment.

    Récemment, Natacha Polony (avec Jean-Michel Quatrepoint) a écrit un livre intitulé : « Délivrez-nous du bien » : https://www.youtube.com/watch?v=D25PHoa7auk
    Ils montrent comment au nom du néo-féminisme, d’un veganisme fanatique, d’un antiracisme dévoyé, …. les nouveaux inquisiteurs se déchainent.
    Ce livre montre aussi que cette mentalité vient des Etats-Unis.
    Bien que cette mentalité soit souvent portée par des gens de « gauche », Natacha Polony (qui fait souvent des analyses marxistes) montre que cela s’intègre bien dans le néo-libéralisme au service de la classe dominante.

    Dans le « bien » défendu par ces inquisiteurs, il y a notre santé. Sur ce plan, certains voudraient censurer tout ce qui, dans les photos, dans le cinéma, montre des gens qui boivent ou qui fument.
    Ainsi, en 1996, un timbre représentait une photo censurée d’André Malraux : on avait retiré sa cigarette.
    La RATP avait censuré une photo de Jacques Tati : plus de pipe.

    Censurera-t-on dans le film « les Tontons Flingueurs » le passage suivant ?
    https://www.youtube.com/watch?v=VsUG551zSlg

    Ah ! On n’est pas sous Staline car on ne fusille pas (encore), mais on « trafique » les photos et on veut « trafiquer » les films.
    Pourquoi me référer à Staline ?
    Parce que sous sa férule, les photos du passé étaient truquées : si à côté de Lénine, on trouvait Zinoviev, Boukharine, Trotski ou Fritz Platten, ces personnes disparaissaient dans les photos rendues publiques.

    NB : Dans l’émission « les Terriens du dimanche » animée par T. Ardisson, diffusée dimanche 18/11, sur présentation de Natacha Polony, Patrick Jardin, dont la fille a été assassinée au Bataclan et qui a été injurié dans « le Monde », était invité.
    Rappel de l’article sur le présent blog :
    http://www.vududroit.com/2018/10/monde-mal-pensants-avez-haine/

  14. Bonjour,

    N’étant pas de la partie et ne connaissant rien ou presque au droit je m’exprimerais plus simplement que vous et moins précisément mais directement 🙂

    Je trouve l’article intéressant et suis bien d’accord avec le fait que le doute doit profiter a l’accusé évidement, que le contexte politique et social (#metoo and c°) n’est pas anodin non plus et doit être pris en compte.

    Par contre ce serait bien que ça soit le cas pour tout le monde ce qui est bien trop souvent pas le cas. Ceci explique peut etre une certaine virulence dans les réactions au jugement? Peut-être aussi que dans les affaires aussi graves la justice prend plus le temps pour étudier le problème qui se présente mais il faudrait alors que ce soit le cas pour tout le monde.

    Cela dit, on ne peut que constater une nette différence de traitement judiciaire en fonction du milieu et du statut social du justiciable. Je n’ai pas une bien haute opinion de la justice française et encore moins de l’Etat qui ne lui donne pas assez de moyen (car ça l’arrange bien souvent lol) mais je ne fait pas de généralité et ce n’est pas toujours le cas. Il y a parfois des choses bien mais c’est rare dans ce pays donc je comprend les « réactions » de gens sur un non lieux.

    La capacité a être mieux « armé » et plus apte a se défendre intellectuellement n’explique pas tout et certainement pas de telles différences de traitement selon son emploi ou son statut social. Je serais curieux de savoir si il existe des statistiques sur ces questions ou des études précises sur l’homogénéité culturelle ou non du milieu judiciaire, si les traitements sont différents envers des justiciables d’un même milieu social que le leur par exemple. Ou bien dans les cas d’un viol le jugement rendu par un juge homme est différent de celui d’une femme et ce n’est certainement pas anodin non plus, pas sans répercutions. Peut être aussi qu’une sorte de jugement collégial ou populaire serait plus juste que des huis clos ou ces « vieilles manières »… . (?)

    Enfin je trouve que dans tout ça il semble que les victimes sont un peu oubliées. D’une part leur plainte a pourtant bien été reçue et à moins qu’elles n’aient menti dans leurs témoignages ce qui me semble est interdit je ne vois pas trop bien qu’elle place il puisse rester au doute, d’autant plus qu’il s’agit (il me semble) de deux personnes qui ont portés plainte. A moins qu’il ne faille absolument apporter des preuves matérielles ce qui dans de tels cas n’est pas forcement évident. Peut etre qu’alors il faut etre capable de prouver qu’elles ont menti mais…. a mon sens… il ne peut pas ou il ne devrait y avoir de non lieu ou d’innocent dans une telle histoire.

    Voilà, désolé d’être long mais je vais finir là dessus :

    J’ai trouvé trouvé tellement incroyable et révoltant perdre toute une journée entière (et un tas de courriers) pour une contravention abusive que j’ai du défendre au tribunal. Mais râce a cette expérience j’ai pu assister au travail de toute une équipe judiciaire réunie toute la journée, avec tous les moyens de la justice dans le seul but prendre de l’argent aux gens et de les raquetter grossièrement et violemment pour des prétextes bidons de « sécurité ». Tellement triste de voir ces gens intelligent rendre des jugements cons toute la journée, assis dans leur palais qui tombe en ruine bien que pourtant très cher et tout neuf, mais en toc, un décors bidon bien vendu par des commerciaux efficace et des architectes bien nazes. (il s’agit du tribunal de Clermont-Ferrand, une caricature de ce qui peut se faire de pire en terme d’investissement public)

    O

  15. Entre nous, quelqu’un qui fait fi des principes généraux du droit, n’est pas avocat. Le titre ne fait pas un avocat, ce sont ses actes.

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