Meklat, Traoré, Theo : la lumpenisation des esprits

 

Finalement ce que raconte l’épisode du fameux Mehdi Meklat c’est une vieille histoire. Marx (toujours lui) nous en parlait déjà, en 1852, dans « le 18 brumaire de Louis-Napoléon ». C’est l’utilisation du lumpenprolétariat à leur profit exclusif par l’oligarchie et les dominants.

Au contraire de Bakounine fasciné par la pègre, Marx n’y allait pas par quatre chemins, écoutons le décrire la petite masse de manœuvre dont s’était servi Louis-Napoléon pour son coup d’État : « des roués ruinés n’ayant ni ressources ni origine connues… […] les rebuts et laissés pour compte de toutes les classes sociales, vagabonds, soldats renvoyés de l’armée, échappés des casernes et des bagnes, escrocs, voleurs à la roulotte, saltimbanques, escamoteurs et pickpockets, joueurs, maquereaux, patrons de bordels, portefaix, écrivassiers, joueurs d’orgue de barbarie, chiffonniers, soulographes sordides, rémouleurs, rétameurs, mendiants, en un mot toute cette masse errante, fluctuante et allant de ci-de là que les Français appellent « la bohème ».

Avec Mehdi Meklat et son compère Badrou nous avons le concentré d’un lumpen modernisé, des garçons qui se rattachent à cette culture et ces comportements de petits voyous violents et sans cervelle. La lecture de leur tweets et de leurs grotesques bouquins en est une preuve irréfutable.

Ils sont comme ceux qui ont mis en coupe réglée des quartiers entiers, qui pourrissent la vie des gens, qui affichent des casiers judiciaires longs comme le bras, désorganisent des établissements scolaires entiers, agressent professeur policiers et pompiers et sont instantanément transformés en victimes par les belles âmes dès lors que la République essaie de temps en temps, de remettre un peu d’ordre. Le plus grave étant qu’ils pourrissent d’abord la vie de leurs voisins, obligeant ceux qui le peuvent à partir, et d’autres à la résignation et à l’impossibilité d’une intégration qu’ils sont pourtant nombreux à souhaiter.

Et ce sont ainsi des quartiers entiers qui doivent porter le stigmate de « sensibles » ou de « difficiles », que cette petite pègre a classiquement retourné pour en faire un étendard. Et que les  duettistes brandissent fièrement sous le regard énamouré de petits-bourgeois avides de sensations.

Par ce que ce pourrissement ne gêne en rien les dominants, cette alliance de la bourgeoisie et des couches moyennes privilégiées, qui calfeutrées dans leurs métropoles connectées, savent qu’elles ont besoin d’éboueurs, de livreurs, de femmes de ménage, caissières à temps partiel, plongeur dans les restos branchés. Payées au lance-pierre, si possible au noir, toutes ces activités de services qui rendent la vie dans les centres de ces grandes villes si agréable. Et puis c’est pratique, on ne les voit pas, les éboueurs et les femmes de ménage, c’est tôt le matin, les plongeurs c’est tard le soir, et pour circuler c’est sous la terre comme à Paris, parce que les pauvres n’y ont pas le droit de rouler en surface. On voit d’ailleurs se dessiner une ethnographie particulière de cette immigration de service. Les nouveaux domestiques des habitants des villes mondialisées sont en général originaires d’Asie, Pakistan, Inde, Sri Lanka, Philippines, et d’Afrique subsaharienne aussi. L’immigration maghrébine y est peu présente, et dans sa partie désocialisée et violente vit assez mal cette cohabitation dans les cités. Les asiatiques en savent quelque chose.

Que ces gens vivent dans une périphérie dégradée et sous la coupe de la pègre et de la racaille, les bourgeois bohèmes pourraient s’en moquer, mais en fait ça les arrange. Ceux qui vivent dans ces ghettos sont trop exploités, trop divisés, trop fatigués pour se révolter, mais comme on ne sait jamais,  on va laisser le gauchisme culturel et politique et sa bêtise crasse porter au pinacle la part minoritaire violente de ces populations pour les rendre intouchables. Jamais on n’entend un mot des belles âmes quand un chinois se fait massacrer, un Pakistanais agresser, ou une Philippine violer. En revanche c’est un concert de glapissements dès lors que l’on effleure un de leurs protégés.

Voilà des gens, mélange de jobards et de Marie-Chantal, que le matérialisme rebute, que les couches populaires révulsent, et qui passent leur temps à se chercher des prolétariats de substitution pour faire genre, et surtout pour que rien ne change. Dans leur jargon, Foucault et le dernier Deleuze nous disaient déjà il y a un moment, que c’était les fous, les psychopathes, et les tueurs qui étaient les rédempteurs. Les ouvriers, beurk, aujourd’hui, ce sont des abrutis acculturés violents et des religieux intégristes qui seraient le sel de la terre. Il suffit de lire les invraisemblables défenses et justifications des ignominies de Meklat, toutes de contorsions ridicules, que nous ont délivré ses soutiens, pour mesurer la gravité du mal.

Malheureusement, cette passion pour Meklat se rattache à deux précédents récents, ceux des affaires Adama Traoré et Théo. Les Français n’aiment pas leur police, c’est une tradition culturelle, on le sait depuis François Villon en passant par Georges Brassens et Renaud. C’est en jouant sur ce réflexe qu’on a monté en épingle ces deux affaires en veillant à mettre le plus d’huile possible sur le feu. Des informations fiables établissent que Traoré était un de ces petits caïds au casier judiciaire chargé redouté dans son quartier, décédé au moment d’une arrestation sans que jusqu’à présent les causes de sa mort puissent être rattachées à des violences commises par les gendarmes à cette occasion. Pour bien connaître la façon dont se passe une information judiciaire, brandir le « mensonge d’État » pour faire instantanément de Traoré un héros martyr, relève du réflexe pavlovien. Concernant Théo, l’IGPN qui n’est pas connue pour être tendre avec les flics, a retenu la thèse de l’accident confortée par des témoignages et des images de vidéosurveillance. De toute façon une information judiciaire a été ouverte et l’auteur du coup à l’origine d’une blessure grave a été mis en examen pour viol. Mais de la même façon, Théo a immédiatement été canonisé saint et martyr, sans que les informations sur son comportement, les causes de son interpellation, et son passé, n’intéressent grand monde.

Mais ce qui est grave, comme le soutien apporté à Meklat, c’est l’attitude des belles âmes. Le Président de la République en fonction (?), à ce titre patron de la police n’a pas jugé bon de se déplacer au chevet des deux policiers grands brûlés à Viry-Châtillon. Cela ne l’a pas empêché de se précipiter au chevet du jeune Théo, prenant ainsi parti par cette provocation indigne, dans une affaire dont la justice était pourtant saisie. Que dire des appels à la manifestation de Bobigny dont on savait très bien qu’elle dégénérerait grâce à la petite pègre, de cette obscène pétition des artistes, de l’attitude de la presse nationale ?

Mais enfin, ne voyez-vous pas cette insurrection qui monte, ces couches populaires qui sont en rage et ne vous supportent plus ? Cette police aujourd’hui hors de contrôle, cette gendarmerie dont les études assez fines montrent que ses membres votent majoritairement Front National, Marine Le Pen annoncée à près de 30 % au premier tour de la présidentielle ? Vous ne sentez pas que cela pourrait très mal tourner ? Vous pensez vraiment que l’élection de Macron va vous permettre de continuer comme si de rien n’était ? Et c’est pour cela que vous continuez à jouer les boutefeux ?  Mais enfin, mesurez-vous votre responsabilité ?

Comme d’habitude, on voit à quoi sert cette alliance millimétrée de l’oligarchie et des gauchistes culturels ou politiques, les libéraux et libertaires main dans la main. Qui rêvent d’une société acculturée, communautarisée, divisée et segmentée, gibier facile pour l’exploitation,  au sein de laquelle on laisse se développer voire porte aux nues, une délinquance violente chronique, que l’on va actionner pour contrôler ou déconsidérer ceux qui auraient vraiment envie de se révolter face au sort qui leur est fait et à celui qui les attend.

Ils se révolteront quand même, et pas sûr que cela soit festif.

 

 

Régis de Castelnau

14 Commentaires

  1. Heu moi j’suis pas une belle âme et je en vois pas en quoi le passé ou le présent d’un interpellé autorise un acte aussi grave que le viol et en tant que victime de viol entendre parle d’accident ça me fout la gerbe, bref je vais me désabonner de votre torchon nauséabond ! RIEN NE PEUX EXCUSER UN TEL ACTE on voit bien que vous ne vous êtes pas souvent fait faire le cul de force !
    Comment j’me désabonne de votre torchon ?

    • Que savez vous de ce qui s’est passé. Mais comme un mouton vous vous précipitez sur la thèse des petits bourgeois.
      Je n’excuse pas la police. Je vise cette bien pensance adoratrice de ce lumpen violent.
      Qui nous amène le FN. Vous me direz, c’est peut être ce dont vous rêvez.

  2. Je lis souvent avec intérêt votre opinion, je dois dire que je vous ai connu plus fin tout de même…
    Ce qui me sidère le plus dans l’affaire Meklat, c’est aussi bien que ses propos aient pu rester dans l’ombre si longtemps que la virulence des critiques.
    C’est-à-dire que je savais que « Marcelin Deschamps » pratiquait l’insulte à tout va, qu’il était vulgaire, bête et méchant ; je pensais même que c’était étonnant que l’on passe ça à Meklat, et d’ailleurs ses amis l’avaient prévenu, cf. Mouloud Achour dans un des articles de presse antérieurs. Je trouvais ça étonnant qu’on accepte si facilement l’argument du pseudonyme, du dédoublement, etc. Car les propos étaient véritablement orduriers à l’égard des personnes désignées. Mais cela restait des insultes, aussi lamentables fussent-elles.
    Mais je ne savais pas pour le reste, car je n’étais jamais tombé sur ses tweets racistes, homophobes, antisémites, bref immondes. Ceux-là sont difficilement excusables (je ne dis pas jamais, je crois au pardon…). C’est vrai que j’ai du mal à les lire au premier degré, mais je sais aussi qu’il n’y a peu de second degré avec ce genre de propos. Je ne comprends pas comment on peut écrire ça et écrire ce qu’il écrit ou dit par ailleurs, dont la qualité journalistique ou littéraire peut être discutée, mais qui est très éloigné des propos infects.
    La virulence des critiques, ensuite. Qu’il soit sommé de s’expliquer, de s’excuser, et qu’il soit mis à l’index, certes. Qu’il en soit tiré des conclusions généralisantes, une analyse des « esprits », je ne comprends pas. Presque la même incompréhension.
    Peut-être parce que voyant la bataille que mènent deux camps, sur twitter ou ailleurs, je ne me résous ni à l’un, ni à l’autre.
    [Ce commentaire est rédigé sous pseudonyme – libre à vous d’en refuser la publication bien sûr.]

    • Ceux dont les esprits se lumpenisent sont les petits bourgeois fascinés par ce lumpen là.
      Je ne sais pas ce qui s’est passé avec Théo, ceux que je vise ce sont qui en ont fait instantanément un martyr. Les mêmes que ceux qui ont fait de Meklat un héros.

  3. Il me semble qu’il y a deux erreurs logiques importantes dans votre texte :
    1) Mélanger allègrement classes socials et origines.. la plonge et les éboueurs comptent aussi des pures français de souches. Le fait que la classe social la plus pauvre soit aussi celle qui contient le plus d’immigrés est simplement mécanique : les migrants arrivent dans la société en général en commençant par le bas (sinon il n’aurait pas eu besoin de migrer au départ)..
    2) Le fait qu’à vos yeux, concernant l’action de la police, un crime en justifie un autre. Qui que soit Théo, ou tout autre délinquant, ni n’excuse, ni n’explique, ni de justifie aucune bavure policière. La police représente la loi, elle doit être exemplaire.

    Le constat sur les classes social (les riches qui exploitent les pauvres) est vrai, mais ça n’a rien d’anormal, ni même de problématique en soit, tant que la justice entre les individus, l’égalité d’accès à l’éducation, à la loi et au reste est préservée, la société est dans l’état qu’elle est, l’essentiel c’est de garantir que les classes les plus basses qui le veulent puissent changer de conditions sans entrave.
    Le fait est que vous n’apportez pas de solution (les solutions existent, puisqu’il s’agit de réduire les inégalités à la source des tensions sociales, avec l’éducation, la réduction des discriminations et le respect des individus avec une police qui fait son travail de manière exemplaire et juste), et ne faites qu’ajouter encore de la confusion en mélangeant divers constats sociales comme si ils avaient un lien entre eux (il n’y a pas de pensé rationnel sans identification des véritables causalités.. sinon vous ne faites que des suppositions arbitraires qui s’auto-réalisent).

  4. Bravo Monsieur de Castelnau et merci.
    À quand un gouvernement qui tape fort et qui remette enfin de l’ordre pour que les gens normaux puissent enfin vivre dignement?
    Et à toutes les bonnes âmes gauchistes et autres abrutis qui nous ont conduit à ce désastre, comme le disait Corneille: « Le crime fait la honte et non pas l’échafaud. »

    • « (les solutions existent, puisqu’il s’agit de réduire les inégalités à la source des tensions sociales, avec l’éducation, la réduction des discriminations et le respect des individus avec une police qui fait son travail de manière exemplaire et juste) »

      On aurait pu voir quelque chose à propos de la redistribution des richesses qui est quelque part à la source de tout le reste.

  5. Hey bien, en tant que gauchiste je vous remercie de me sortir de ma bêtise crasse et de m’expliquer comment je pense (bien certains détails m’échappent encore, je vois pas très bien bien comment je peux souhaiter une société acculturée – dans l’hypothèse où cette expression ait un sens – et communautarisée, l’acculturation étant l’adaptation d’un groupe à la culture environnante, il faudra nous faire un dessin, faire émerger la connaissance immaculée de la bêtise crasse ça demande du travail).

    Plus sérieusement, ce genre d’article m’attriste beaucoup, toujours l’impression qu’il faut choisir un camp (le vocabulaire religieux n’aide pas beaucoup), il n’y a aucune nuance, aucune subtilité, que ce soit dans la description des groupes sociaux (les maghrébins ont tel rôle, les asiatiques tel autre – je dis pas que c’est faux mais je serais curieux de voir d’où vous tenez ça) ou de qui pense quoi.
    Quand on lit « Les Français n’aiment pas leur police » comme s’ils étaient un bloc uni et qu’il suffisait de citer 3 artistes à sur plus de 500 ans pour le prouver (alors que dans les sondages d’opinions – qui valent peut etre pas grand chose – ils sont loin d’être si mal classé (contrairement aux journalistes…) ça désespère un peu.

    Sinon c’est moi ou tout ça n’a absolument rien à voir avec le thème du blog ?

  6. les gauchistes ont perdu le prolétariat. Ils leur faut un nouveau quart monde pour exister. Ils le font venir si il le faut. De nouveaux esclavagistes à des fins politiques avec un gattaz ébahi et réjoui de tant de connerie de ces « no borders » lui apportant sur un plateau d’argent de nouveaux ouvriers sous-payés.

    les gauchistes au service du grand capital. Hallucinant.

  7. On en redemande, malgré la chute.
    Un bel effort de clairvoyance, servi par une culture enviable, par un verbe aguerri, et par un certain courage.
    Cependant,
    Aussi lumineux que soit votre constat sur les conséquences, vous ne nommez pas les causes du chaos.
    Les voyez-vous ?
    De même, par quelle amaurose vos conclusions piétinent-elles en peine ?

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