Bulldozer de Vitry : et si le PCF avait raison ?

 

 

 

Le 24 décembre 1980 au matin, 300 travailleurs maliens quittèrent le foyer qu’ils occupaient sur le territoire de la commune de Saint-Maur et furent transportés pour être hébergés dans un bâtiment en cours de rénovation à Vitry-sur-Seine. Commençait alors la fameuse affaire dite du « bulldozer de Vitry ». À la demande du maire de Saint-Maur, le gestionnaire du foyer avait accepté de débarrasser cette commune résidentielle de ses occupants encombrants. L’immeuble de Vitry était en pleins travaux, pour une bonne part financés par la mairie et devait accueillir en contrepartie, des jeunes travailleurs dont la liste était d’ailleurs arrêtée. La section du PCF Vitry, informée, réagit par une action de commando où quelques militants, « armés » d’une pelleteuse s’employèrent  à écrouler un escalier extérieur pour empêcher les nouveaux occupants d’y rentrer. Le maire de Vitry, Paul Mercieca, mis devant le fait accompli, et en désaccord avec la méthode, accepta pourtant de l’assumer politiquement. Noël passé, se déclencha alors une formidable campagne médiatique contre le PCF visant à le faire passer pour intrinsèquement raciste.

Je fus sollicité par la direction du PCF pour assister, en tant qu’avocat, Paul Mercieca, au centre de la tourmente. Je garde le souvenir du caractère absolument effarant du déferlement médiatique et de la pression quasi physique que l’on pouvait ressentir si l’on essayait de résister.  Je garde également celui de la souffrance de Paul Mercieca, fils d’immigrés maltais, profondément blessé par l’accusation de racisme. Il y avait de quoi… A en croire les médias et les commentateurs politiques unanimes, il aurait lui-même conduit le bulldozer et détruit de fond en comble le « foyer » alors que les « résidents » maliens étaient à l’intérieur. Il essaya alors, en pure perte, d’expliquer, soutenu par la direction nationale du PCF, que son intention était de refuser que se constituent dans les banlieues ouvrières de véritables ghettos, de nature à affecter des quartiers déjà frappés par la pauvreté. Le slogan des maigres manifestations de soutien au maire était d’ailleurs : « Mercieca a raison, pas de ghetto à Vitry ». En vain. Le coût politique fut très élevé pour le Parti communiste.

Quelques semaines plus tard, Robert Hue, alors maire de Montigny-lès-Cormeilles, lança une campagne contre le trafic de drogue qui pourrissait les cités de sa commune et mit en cause une famille d’origine marocaine considérée comme étant pourvoyeuse d’un quartier. Bis repetita. Incroyable tsunami médiatique, insultes, prises à partie, et même manipulations policières. Là aussi, l’avocat que j’étais fut choisi pour assister Robert Hue. Deux fois aux premières loges, deux fois confronté à la tempête, et deux fois contraint de constater la quasi impossibilité d’y résister et les dégâts occasionnés. Le Monde de l’époque condescendit, quelques semaines plus tard, à admettre que « le PCF posait mal de bonnes questions ».

Que craignait à l’époque le Parti communiste ?

Que les cités ouvrières, qu’en général il gérait, se transforment sous la pression du chômage, de la pauvreté mais aussi d’une immigration déséquilibrée, en « territoires perdus de la République », qu’au sein de ces territoires, le marché de la drogue devienne une économie de substitution, c’était leur crainte. Les dirigeants du PCF, forts de leur expérience de terrain, avaient parfaitement vu le danger, témoin de premier rang, je peux en attester. La déchirure du lien social, le communautarisme, la division des classes populaires, tout cela les préoccupait au premier chef. À juste titre. Ce qu’ils avaient combattu, essayé de conjurer, sous  les accusations, les injures et les quolibets, s’est produit. Les ouvriers sont partis, les plus pauvres d’entre eux devenant des « périurbains ». Ils l’ont fait avec l

Régis de Castelnau

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