Piketty, le revers du revers de la médaille

 

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La gauche quitte le navire

Le 1er janvier 2015 vient de nous offrir pour étrennes une de ces petites polémiques dérisoires dont le mainstream parisien raffole. Thomas Piketty, économiste désormais notoire, figurant sur les décrets de promotion de la Légion d’Honneur du nouvel an, a refusé la distinction. Avec hauteur nous dit-on. Bigre.

Il n’est certes pas le premier, toute la journée les médias qui en ont fait des gorges chaudes nous ont communiqué la liste des prédécesseurs en refus. Je disais dans ces colonnes il y a déjà quelque temps que le refus de la médaille avait toujours son revers.

Regardons d’un peu plus près la petite comédie que l’on vient de nous présenter. Au préalable, à propos de ce que certains qualifient de hochet, afin que les choses soient claires et tout en restant dans le théâtre, rapportons-nous à Louis Jouvet, professeur d’art dramatique dans le film « Entrée des artistes ». C’est l’inoubliable séquence de la blanchisserie où ledit Jouvet s’afflige de constater « qu’on y lave en famille le linge sale des autres… »

« Je suis officier de la Légion d’honneur, je n’en tire pas de vanité. Je vous dis ces choses parce qu’aux yeux de certaines personnes cet accessoire vestimentaire confère à ceux qui le portent un certain prestige. Cet attribut me donne le privilège d’être écouté respectueusement par les imbéciles. Les autres ne me prêtant quelque attention qu’à cause de mon talent, de ma carrière et de mon passé. »

Quittons les sommets pour une première question. Comment Thomas Piketty pourrait-il prétendre ne pas avoir été au courant de la proposition de se voir nommé à ce grade ? La procédure menée sous la direction de la Grande Chancellerie est à la fois longue et minutieuse.  Le dossier de proposition doit être extrêmement complet et en partie rempli par le pressenti. CV détaillé, mémoire de soutien, casier judiciaire, parrainages etc. La liste des membres de la promotion, une fois établie par la Grande Chancellerie est approuvée en Conseil des Ministres. Thomas Piketty savait qu’il y figurerait. Il a donc monté une petite opération. Personne ne peut le croire lorsqu’il dit au matin du 1er janvier : «je viens d’apprendre que j’étais proposé pour la Légion d’honneur ».

Donnant l’occasion au Grand Chancelier, le général Georgelin,  de lui donner une petite leçon de savoir-vivre républicain : « La plupart de ceux qui font connaître leur refus publiquement agissent ainsi pour attirer l’attention sur eux ou sur le combat qu’ils mènent. Ceux qui la refusent pour de bonnes raisons – un souci d’indépendance, un excès d’humilité – , des raisons que je comprends parfaitement, s’arrangent toujours pour nous le faire savoir discrètement, avant la publication de leur nom au Journal Officiel. »

« Discrètement » ce n’est pas le registre choisi par Thomas Piketty. Et quelles sont donc les raisons avancées de ce refus dont il a voulu qu’il soit porté à la connaissance du bon peuple ?

«Je refuse cette nomination car je ne pense pas que ce soit le rôle d’un gouvernement de décider qui est honorable ». Là, on est quand même dans le culot d’acier. Mais dites-moi cher Monsieur ne faites-vous pas partie de cette particularité française (comme Jean Tirole d’ailleurs) de ce que l’on appelle « les économistes d’État » ? C’est cet État, c’est-à-dire nous les contribuables, qui depuis toujours vous paye. Vous permettant ainsi, de faire vos recherches et de publier vos livres. J’aurais tendance à penser que non seulement l’État légitimement représenté par ce gouvernement, a le droit d’apprécier ce que vous faites mais qu’il en a même le devoir.  On ajoutera à l’attention du libertarien de fraîche date que vous semblez devenu,  que dans une démocratie représentative républicaine c’est effectivement aussi le boulot du gouvernement.

Vous avez ajouté : «Il ferait bien de se consacrer à la relance de la croissance en France et en Europe.» Accrochons-nous pour ne pas tomber à la renverse. Vous avez fait partie avec d’autres de ces économistes qui ont préparé l’arrivée de François Hollande à la Présidence. Vous avez clairement et à plusieurs reprises appelé à voter pour lui. Appartenant à ces petits cercles, vous saviez pertinemment ce qui nous attendait et quelle serait la politique menée.

Ah oui, mais là ce n’est pas pareil. La catastrophe s’approche, elle est inéluctable. Alors il faut quitter le navire. En essayant par le refus de la médaille de donner du panache à la sortie. Et par la démagogie des motifs faire croire qu’elle se fait par bâbord.

La Rochefoucauld nous avait dit il y a déjà longtemps : « le refus des louanges, c’est vouloir être loué deux fois ». Thomas Piketty a essayé la passe de trois. Laisser passer la nomination au J.O., refuser à grand son de trompe, et sortir à gauche.

Le Diable a toujours reconnu que le défaut qu’il préfère chez les hommes, c’est la vanité.

Régis de Castelnau

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