Deuxième tour 2017 ? Sarkozy/Mélenchon !

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Le Front National n’est ni un parti gaulliste, ni un parti ouvrier. Comment sortir de l’imposture ?

La victoire de Donald Trump était prévisible mais ne fut pas prévue.  Il y a donc matière à réfléchir sur ce que raconte ce succès, qui est d’abord évidemment la défaite du parti démocrate et de sa candidate. Comment un histrion retors, malgré des handicaps de personnalité criants, malgré une campagne à son encontre ahurissante de violence a-t-il pu d’abord mettre à genoux le parti républicain pour ensuite défaire Hillary Clinton assez tranquillement ?

Ce rejet dresse une physionomie de l’Amérique où, comme dans à peu près tous les pays occidentaux les victimes de la globalisation néolibérale se cabrent et mettent en cause ouvertement le modèle qu’on leur a imposé depuis le début des années 80. Et les couches moyennes supérieures, profiteuses du système, qui ne veulent pas entendre parler des masses de laissés-pour-compte, et voient revenir avec terreur le vote de classe. Et en France ? Confrontés à leur misère matérielle, à la détresse morale, au déclassement et à la perte de leur horizon, les couches populaires ne supportent plus non plus les cours de morale de ceux qui accrochés à leurs privilèges leur assènent jour après jour. Alors ils décrochent ou font le pari du FN. La nudité de l’empereur désormais irréfutable, crée ainsi une situation politiquement dangereuse. Les notions françaises classiques de droite et de gauches ne sont plus effectives. Condamné s par l’UE à l’austérité perpétuelle, les exclus de la globalisation néolibérale, majoritaires en France, trahis par le parti socialiste et abandonnés par ce qui reste du Parti Communiste, subissent un véritable rouleau compresseur culturel. Celui-ci, toujours systématiquement aligné sur les souhaits du Capital, ne veut plus de frontières, des sociétés divisées, communautarisées, ethnicisées, au sein desquels on peut puiser la main-d’œuvre bon marché pour assurer les activités de services utiles aux couches moyennes terranovistes soutenant bec et ongles ce système et ceux qui en sont les maîtres.

Or le Front National qui n’est au départ qu’une petite épicerie familiale bien verrouillée, ne peut pas devenir un parti de masse, candidat crédible à l’exercice du pouvoir. Il n’en a ni les moyens militants, ni les moyens techniques. Gouverner un État comme la France nécessite, au-delà des hommes, une adhésion voire  une identification populaire absentes en l’état. Comme l’ont démontré les spécialistes de la carte électorale, le vote Front National est d’abord un mouvement d’humeur, l’envie du coup de pied dans la fourmilière, et aussi le pari de vouloir l’essayer, tous les autres ayant échoué. Et c’est un crève-cœur de voir, ces ouvriers et ses salariés d’exécution des services, se tourner vers un parti qui plonge ses racines dans les lambeaux d’une extrême droite d’après-guerre laminée par la trahison et la collaboration, avec des dirigeants et des cadres héritiers peu ou prou de cette culture.

L’arrivée au pouvoir du Front National en 2017 n’est pourtant pas une hypothèse farfelue. La surprise pourrait ne pas être une surprise. Les résultats électoraux britannique, autrichien et américain symptômes d’une colère populaire généralisée, peuvent nous le faire craindre. Et le danger ne serait pas celui de l’instauration d’un régime fasciste en France, soyons sérieux, mais l’incapacité à répondre aux espoirs et aux attentes. La faillite de ce plan B, démontrerait que le pari est perdu. Et même une défaite qui porterait au deuxième tour Marine Le Pen au-delà des 40 % d’électeurs, imposerait le Front National en seule force d’opposition, qui n’aurait alors qu’à attendre le coup suivant. Dans les deux cas, la porte ouverte à toutes les aventures.

C’est la raison pour laquelle l’enjeu le plus fort des élections présidentielles est bien celui de la déconstruction du Front National. Et c’est pitié de voir le microcosme politique se résigner à ce leadership et se déchirer à belles dents pour savoir qui aura le piteux honneur, d’être le deuxième derrière Marine Le Pen au premier tour.

Il n’y a aucune raison de ne pas essayer de reconquérir ces couches-là, qui sans cela vont avancer vers la jacquerie. Une partie doit réintégrer la droite populaire, celle sur laquelle le vrai gaullisme s’est toujours appuyé. L’autre devra retourner dans sa famille naturelle. Ces ouvriers et ces employés qui considèrent que la France a commencé à la Révolution, et qui ont le souvenir transmis, du Front Populaire, de la Résistance et de qui étaient Jean Jaurès et Georges Marchais.

Alors qui pourrait se livrer à ce dépeçage et à quelles conditions ?

N’ayant jamais voté pour Nicolas Sarkozy aux élections régulières et n’étant pas près de le faire, il est exclu que je me déplace à la primaire de droite ne serait-ce que pour des raisons morales. Mais je m’adresse aux membres de cette famille politique en leur disant de le choisir. Car en l’absence de toute autre perspective ce choix serait seul susceptible d’empêcher le succès électoral ou politique du Front National. À l’évidence une candidature d’Alain Juppé, candidat adoubé par des élites honnies ferait exploser les LR et passer des gros bataillons d’électeurs au FN. François Fillon quant à lui, a démontré en quittant la Sarthe et en refusant de venir à Paris, son aversion pour les campagnes électorales où il fallait se battre, et partant son absence de colonne vertébrale. Sans oublier sa duplicité avec l’épisode assez crasseux du «déjeuner Jouyet ».

Chacun connaît les qualités de Nicolas Sarkozy, qui a en plus parfaitement compris quelles étaient les attentes de l’électorat populaire sur les questions de l’autorité de l’État, de la sécurité, de la légitimité, de l’insécurité culturelle, du patriotisme. Comme Donald Trump, il fait l’objet d’une haine farouche du la caste, terrorisée à l’idée de son retour aux affaires. C’est aujourd’hui clairement un avantage, parce que si les gens d’en haut comme l’a constaté Christophe Guilluy détestent les  gens du peuple, «les petits blancs», ceux-ci le leur rendent bien. Et c’est pour cela qu’il est un impératif politique de casser les reins à ce mainstream largement dévoyé. Entre les lignes, Nicolas Sarkozy s’est engagé à le faire. Mais si l’on connaît ses qualités, on connaît aussi ses défauts, ceux qui ont entraîné la « trahison » de l’après 2007. Les gens qui avaient alors ramené Jean-Marie Le Pen en dessous des 10 % voulaient le Karcher, ils ont eu le Kouchner.

Alors amis de droite, pouvez-vous faire le pari encore cette fois-ci ? Il a vécu entre-temps l’invraisemblable acharnement judiciaire et médiatique dont il a été l’objet pendant ces cinq ans. L’instrumentalisation sans vergogne de la justice et la mise en place par le service public radiotélévisé en tête, de campagnes de calomnies et de diffamation, ne l’ont pas épargné. Justice, médias adversaires politiques et amis, tout le monde, s’est essuyé les pieds sur lui. On peut espérer, que comme chacun d’entre nous, et quoiqu’il en dise, il est capable de rancunes solides et souhaite régler ses comptes avec ceux qui l’ont ainsi traité. Et puis si Nicolas Sarkozy est réélu Président de la République, il n’aura pas le choix, sinon sa situation sera intenable coincé qu’il serait entre ces privilégiés qui le haïssent, et un peuple en rage d’être une nouvelle fois trahi.

C’est un pari me direz-vous ? Il est beaucoup moins risqué que celui de Marine Le Pen.

 Et surtout en face, pour entreprendre la déconstruction du FN et récupérer symétriquement les couches populaires culturellement de gauche, Jean-Luc Mélenchon a adopté une démarche politique intelligente et dans une certaine mesure gaullienne. Refusant les négociations d’appareils, les compromis boiteux et la facilité, il semble avoir décidé de saisir l’opportunité de cette campagne présidentielle pour atteindre plusieurs objectifs. Tout d’abord achever la destruction politique de ce Parti « Socialiste » qui vient de faire pendant ces cinq ans la démonstration qu’il était totalement au service du capitalisme financier et du néolibéralisme. Ensuite renvoyer à leur inanité politique les groupuscules gauchistes, idiots utiles du Capital. Quant au Parti Communiste, qui voit la mort dans l’âme disparaître le peu qui lui restait, et se profiler un horizon où il n’y aura plus postes et fauteuils, il va devoir se résigner. C’est dur camarades ? Oh je sais, mais un parti ouvrier où il n’y a plus d’ouvriers pour diriger, militer et voter, où les débats sont groupusculaires, qui hésite entre présenter Ian Brossat (au secours !) ou soutenir Arnaud Montebourg, ne sert vraiment plus à grand-chose. Jean-Luc Mélenchon veut ensuite, profitant de l’échéance électorale,  restructurer la gauche française, celle dont notre pays a besoin. Héritière du courant qui existe chez nous depuis la Révolution, qui s’est lié au XIXe siècle à la classe ouvrière et qui doit aujourd’hui reprendre au FN ces couches populaires égarées. Oui égarées, car historiquement et culturellement elles appartiennent à cette famille qu’abandonnées, elles ont été obligées de quitter. On me dira que Jean-Luc Mélenchon a tracé sa route tout seul, de façon autoritaire, verticalement et sans débat. Je répondrais simplement : et alors ?

Parce que sinon nous aurons la droite néolibérale des Juppé, héritier de François Hollande, accompagné des enthousiasmants Raffarin, Bayrou, Fillon, Macron, Valls, Attali, Minc, BHL, Gattaz et Cambadelis. Et le FN comme seule force d’opposition attendant son heure qui ne manquera pas de venir.

Alors, amis, camarades et compagnons, espérons l’impossible, travaillons à l’impossible, un deuxième tour Sarkozy/Mélenchon. Rappelons-nous que toutes les élections présidentielles ont donné lieu à des renversements et des surprises pendant la campagne. Et cette échéance-là, on la jouera à la régulière.

J’entends déjà les jérémiades des gens de droite, « oui mais Sarkozy, il est ceci, il est cela, parvenu et insupportable, il n’est pas vraiment gaulliste, il nous a déjà déçu, etc. ». Je répondrais simplement que pour ma part, je soutiens sans barguigner Jean-Luc Mélenchon : « Ancien dirigeant socialiste, frère la grattouille, écolo obscurantiste qui fait des mamours à Mamère et surtout, ancien trotskiste lambertiste ! » Alors qu’est-ce que je devrais dire ! Mais en ces temps difficiles, chacun doit savoir faire des sacrifices.

Régis de Castelnau

9 Commentaires

  1. Et Macron ? Vous en pensez quoi ? Ou se situe t’il selon vous ? N’est il pas le « pendant « de le Pen ? le type pour lequel on va voter
    1) par ce que effectivement on en a marre des politiques
    2)parce que c’est moins « culpabilisant  » que le vote FN ?
    Croyez vous qu’ il ira loin ? Et Bayrou qui veux y aller si c’est Sarkozy qui gagne …..
    Comme le dit la pub : on est mal. On est très mal

  2. Sarko ne sera ni au premier ni au deuxième tour. L’hypothèse Le Pen- Mélenchon me paraît plus vraisemblable, les partis dits « du système » arrivant 3ème ou 4ème parce qu’ils devront partager leurs voix avec Macron.

  3. tres tres bonne analyse !
    Sarkozy est le seul à pouvoir endiguer la progression du FN (devenu le 1er parti politique de France rappelons le …)
    et Mélenchon est un des rares à parler « vrai » , une alternative au capitalisme restant utopique mais faisant son chemin…
    mais le « coup de pied dans la fourmiliere » risque malgré tout d’etre FN , les gens penseront que c’est la seule en 2017 à etre apte à prendre le trône et virer tous ces gugus en place , Melechon ne pouvant esperer qu’un 30% et il perdrait de toute facon au deuxieme tour ….
    Si l’urgence de changer le systeme est reelle , Marine a toutes ces chances malheureusement…

  4. La carte électorale du FN aux régionales de 2015 est assez cohérente. Elle est très proche de celle de l’espace jacobin et permet de conclure que le FN gagnera en 2022.
    Votre texte semble être une façon désespérée de refuser l’inéluctable. La souffrance nourrit le FN et le PS et LR nourrissent la souffrance.

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