La France résistante, une fake news ?

On imagine comment j’ai pu ressentir l’ignominie ignare proférée à l’adresse de Ian Brossat par un certain Riolo, dont l’analphabétisme historique est équivalent à sa nullité professionnelle de chroniqueur sportif. La réponse de Brossat reprenant le pieux mensonge du « Parti des 75 000 fusillés », et la cacophonie qui s’en est suivie ont encore contribué à mon exaspération. Plutôt que de me fatiguer à rabâcher je renvoie au statut Facebook de Guy Konopnicki qui dit ce qu’il faut dire. En oubliant peut-être de rappeler que le PCF fut interdit dès le 26 septembre 1939 par un gouvernement composé de ministres qui voteront plus tard les pleins pouvoirs à Pétain. Et que c’est un ministre de la justice socialiste qui le 19 avril 1940 fera adopter un nouveau décret-loi prévoyant la peine de mort pour la propagande communiste. Tout ça pour dire qu’au moment de la déroute de mai juin 1940 le PCF n’existait plus, ses parlementaires étaient emprisonnés et ses anciens militants pourchassés.

Je suppose que la lecture de cette petite introduction permet de voir à quel point je suis rancunier. C’est la raison pour laquelle, plutôt que de vitupérer mes cibles habituelles, j’ai demandé à Mathieu Morel de donner l’avis critique pondéré que mérite le traitement de l’Histoire par l’extrême centrisme qui abîme la France aujourd’hui.

C’est plus intéressant.

Régis de Castelnau

     

A la faveur d’une énième polémique aussi puérile que pénible entre Ian Brossat et l’un de ces aboyeurs radiophoniques de plus en plus en vogue dans ces émissions où l’on confond goulûment franc-parler et grossièreté, le journal Libération s’est fendu d’un article de vérification dans sa rubrique « Checknews » où l’on apprend, entre autres, qu’un corrigé d’annales du bac (Annabac, Hatier) affirme « Les gaullistes imposent la mémoire d’une France unanimement résistante. C’est le mythe résistancialiste : la majorité de la population aurait combattu l’occupant allemand et le régime de Vichy dès le début du conflit, et aurait ainsi contribué à la libération du territoire. »

Qu’on nous dépeigne la France de l’Occupation (et, partant, celle de toujours) comme massivement veule et collaborationniste n’a rien de bien neuf. Les historiens, d’Henri Rousso à Pierre Laborie, s’empoignent sur le sujet depuis longtemps et la vérité historique a parfois du mal à éviter le prisme des nécessités politiques, conjoncturelles, et des idéologies. Ce qui est singulier dans cette affirmation, c’est surtout qu’elle émane d’un ouvrage censé instruire les citoyens éclairés de demain et qui, pourtant, n’hésite pas à faire preuve d’une légèreté ou d’une mauvaise foi pour le moins suspecte.

D’abord, et particulièrement quand on se pique de former des têtes bien faites, il faudrait un jour se préoccuper de ce que signifient vraiment les mots qu’on a la chance de pouvoir employer. Par exemple : « unanimement ». Symptomatiques de l’art, très contemporain, du relativisme contorsionniste consistant à affirmer péremptoirement une outrance grotesque et, aussitôt après, l’édulcorer jusqu’à ce que plus personne n’y retrouve ses petits, « unanimement » et « la majorité », dans le même argumentaire, se stérilisent mutuellement tout en laissant chacun en déduire ce qui l’arrange pourvu que la contradiction et la confusion n’atteignent pas le « message » principal : « la France collabo ». Si la France avait été « unanimement résistante », de Gaulle n’aurait vraisemblablement pas eu besoin de partir à Londres et, au bout du compte, les « gaullistes » n’auraient peut-être même jamais existé. Il aurait alors été incongru qu’ils « imposent » une théorie qui, si elle avait été avérée, rendait leur propre existence improbable, voire impossible puisque de toute façon absurde.

Discutable sémantiquement mais également d’un point de vue historique. Que les gaullistes – et quelques autres, dont les communistes – aient pu enjoliver quelque peu le poids des uns ou minimiser celui des autres pendant l’Occupation, c’est … « de bonne guerre » : là encore, c’est de la politique. Il se trouve qu’au lendemain immédiat d’une guerre civile effroyable et alors que toutes les conditions étaient réunies pour que les représailles soient à leur tour sanglantes, mettre l’accent sur ce qui est susceptible de réunir plutôt que sur ce qui justifie qu’on s’étripe sauvagement relevait peut-être du bon sens élémentaire, bien plus que de la propagande éhontée. L’occulter, l’ignorer – volontairement ou non – et de surcroît inculquer cette ignorance avec l’argument d’autorité des maîtres pose au minimum quelques singuliers problèmes.

On peut (on devrait, même, si seulement on pouvait compter sur un minimum de sérénité au lieu de la propension contemporaine à hystériser tout et n’importe quoi), surtout avec quelques décennies de recul, remettre en question la rhétorique gaulliste de l’époque, mais encore faudrait-il le faire avec un minimum d’honnêteté intellectuelle et de perspective.

Personne n’a « imposé la mémoire d’une France unanimement résistante ». On s’est peut-être livré à quelques simplifications avantageuses ici ou là, comme ça s’est d’ailleurs toujours pratiqué et comme ça se pratiquera probablement toujours, dans tous les domaines. On a peut-être arrondi quelques chiffres parmi ceux, déjà rares et diversement fiables, dont on disposait. La réalité est sans doute infiniment plus prosaïque et complexe que le récit qui en a été fait ensuite : la France, à l’époque et sonnée par ce qui lui était tombé dessus (notamment grâce à la servile collaboration d’élites déjà confites dans le syndrome de Coblence), a probablement été diverse, écartelée et peut-être même a-t-elle eu, en cinq ans, au gré de circonstances et de cristallisations qui échappent parfois aux rationalités des hommes, bien des raisons et des occasions d’évoluer. Entre celle – peut-être la vraie majorité, d’ailleurs, et peut-être rigoureusement la même qu’aujourd’hui – qui a attendu pendant le temps qu’il faudrait, bon gré mal gré, des jours meilleurs (les uns en faisant le dos rond fût-ce au prix de petites compromissions, d’autres en s’offrant parfois le plaisir d’une petite Schadenfreude sur le dos de l’Occupant et/ou de ses valets… parfois aussi les deux en même temps, ou en alternance), celle qui a applaudi avec soulagement le « héros de Verdun » puis renié le « père de la Révolution nationale », celle qui s’est insurgée dès la première heure (pour des raisons diverses, que renierait parfois aujourd’hui, drapé dans son indignation, le camp du Bien)… et celle qui s’est vautrée avec complaisance dans l’allégeance inconditionnelle (notamment « pour inspirer confiance », d’ailleurs, à ce voisin qu’elle n’a décidément jamais su regarder autrement qu’avec les yeux de Chimène). Par confort, par paresse, par naïveté peut-être, par veulerie, par conviction un peu aussi.

Or, en serinant depuis au moins 40 ans, par opportunisme autant que par inconséquence, à grands renforts d’approximations, d’œillères et d’insinuations, que « Vichy c’est la France », on attribue de fait à celle-ci une légitimité qu’elle n’avait jusqu’alors pas et que rien ne justifie. Et en enseignant, dans un corrigé d’annales du bac, ce genre de propagande, on re-discrédite celle qui était à Londres ou dans le maquis et qui a, qu’on le veuille ou non, « contribué à la libération du territoire ». Drôle d’hommage ! Il faut aussi, en regardant l’Histoire, se demander où l’on veut aller, et où l’on va vraiment. Il y a bel et bien eu une France à Vichy, dont personne – pas même de Gaulle – n’a jamais nié l’existence ni la réelle capacité de nuisance. Que ceux qui ont une virginité à se refaire après s’être prudemment mis au vert ou compromis s’emploient à salir ceux qui ont pris le risque, certes difficile à concevoir de nos jours, de ne pas se compromettre, on le comprend aisément. Mais les autres ? Et ceux qui n’y étaient pas mais s’estiment néanmoins fondés à jeter des anathèmes ? Ces discours révèlent surtout une chose de ceux qui les tiennent : leur camp, à eux, n’est manifestement pas et aurait difficilement pu être celui de Londres ou du maquis. Dès lors, et surtout si l’on adopte leur propre vision manichéenne, où doit-on les situer ? Comment qualifier ceux qui, dans une lecture aussi binaire de l’Histoire, accusent avec tant de hargne les vainqueurs de l’avoir « falsifiée » à leur avantage ?

Défendre des convictions, une idéologie, n’a rien de répréhensible en soi : c’est précisément de la politique et c’est ce qui nourrit le débat. Une part de mauvaise foi, voire de propagande, y ont aussi naturellement leur place, que cela plaise ou non. Là où la chose devient très problématique, c’est lorsqu’elle est assénée comme une « Vérité absolue » sans faire le moindre cas – sauf, éventuellement, pour les dénigrer et les salir – des opinions divergentes ou des nécessaires nuances, lorsqu’elle est enseignée d’autorité dans des ouvrages scolaires comme un fait scientifiquement avéré, puis validée par l’une de ces désormais incontournables « cellules de vérification de l’information » qui fleurissent dans tous les media à la demande – et au service – d’un pouvoir lui-même zélé jusqu’à l’obsession dans l’établissement d’une « Vérité vraie chimiquement pure et garantie sans fake news » dont il se prétend, au bout du compte, dépositaire de droit « jovien » et seul juge.

En s’arrogeant le monopole de l’objectivité (et donc, de fait, un ministère de la Vérité), notamment au nom d’une insaisissable « fin de l’Histoire », d’une certaine conception de la modération, de la sagesse et de la « lutte contre les idéologies et autres passions tristes », le vieux centrisme compromis, désormais rafraîchi en façade, fanatisé et estampillé « nouveau monde », en vient à employer des méthodes que n’aurait pas reniées le pire de l’ancien, mêlant cynisme perfide, morgue brutale et vanité indécente.

Pour faire « le bonheur des Français malgré eux », sûrement ?

Mathieu Morel

14 Commentaires

    • Le négationisme, c’est la négation du génocide nazi.

      Discuter du rôle du communisme en France alors qu’il approuvait officiellement la collaboration avec le régime nazi envahissant la Pologne, où il installera nombre de camps d’extermination, c’est autre chose.

      On peut comprendre qu’Odette Nilès soit outrée de l’entendre, parce qu’elle n’était pas dans cette perspective et que, du coup, ça ne la concerne pas. On peut aussi lui rétorquer que son aveuglement d’alors, militante résistance d’un parti prônant la collaboration avec les nazis, a perduré par la suite, puisque résistance au nom de l’humanité d’un régime ignoble et mortifère ayant perduré des années encore après cette guerre.

  1. Certains, confits dans la Haine de Soi, s’entendent à dépeindre depuis quelques lustres les Français comme un ramassis de Dupont-Lajoie, Deschiens et autres Grolandais, incurablement cons et racistes… Cette représentation, faite par une grande partie de nos « élites », a sans nul doute précipité la volonté des Gilets Jaunes de renverser la table, ainsi que les privilèges de leurs « saigneur ».
    Nulle surprise donc de revoir institutionnalisée dans un livre scolaire cette Haine de Soi qui a toujours voulu salir ce que notre pays a de plus noble : ces gens voudraient ancrer l’idée que la France est ontologiquement un pays de salauds (cf par exemple l’idéologie française de BHL, ou, dans un autre style, les livres culpabilisateurs de Noiriel ou de Lagasnerie, ou, à l’autre extrême le nostalgie d’une France soumise qui sourd de chez Buisson) et symétriquement que la fierté nationale est possible dans tous les pays à l’exclusion de la France…

    Rien que de très connu, mais ce refrain, en divisant les français, nous mène immanquablement à l’abîme.

    • Bravo pour ces lignes.
      Il serait grand temps de cesser de se complaire dans la Haine de soi, d’une part, et, d’autre part, de mettre l’accent sur ce qui nous unit encore et non sur ce qui nous divise.

  2. Lorsque vous écrivez « En oubliant peut-être de rappeler que le PCF fut interdit dès le 26 septembre 1939 par un gouvernement composé de ministres qui voteront plus tard les pleins pouvoirs à Pétain », le sens de votre propos est un peu confus.

    Le lien que vous donnez est par contre très clair : « Cette décision s’explique par la mobilisation du Parti communiste en faveur de l’alliance germano-soviétique et de la Paix avec les nazis qui s’est manifestée dans son approbation du Pacte de non-agression signé le 23 août entre l’URSS et l’Allemagne, dans son soutien à l’entrée des troupes soviétiques en Pologne le 17 septembre et enfin dans l’adoption le 21 septembre par son Comité central d’une résolution intitulée « Il faut faire la Paix ». »

    A vous lire, on aurait l’impression que vous défendez l’idée d’une résistance communiste de la première heure. Or, les propres liens que vous donnez mettent en lumière le collaborationnisme de bon aloi, cohérent avec la doctrine du Komintern jusqu’au déclenchement de Barbarossa.

    On peut aussi s’amuser du sort de l’Humanité :
    « Le 27 août 1939, le gouvernement Daladier interdit de parution L’Humanité après son approbation du Pacte germano-soviétique. Dès octobre 1939, le journal paraît clandestinement14. Plus de 300 numéros sortent jusqu’en 1944, tantôt feuilles ronéotées, tantôt pages imprimées.

    L’été 1940, le journal ayant été interdit par le gouvernement Daladier, des dirigeants communistes ont entamé des négociations ayant pour objectif la reparution officielle du journal15 avec les services allemands, essentiellement le lieutenant Weber de la PropagandaStaffel. Une militante communiste, Denise Ginollin, est chargée des premières négociations, Jacques Duclos suivant de près les négociations16. Celui-ci ne manque pas d’informer l’Internationale communiste de ces démarches et précise qu’elles ont été réalisées « sans engager les dirigeants du Parti »17. Maurice Thorez, depuis Moscou, valide ces démarches ce qu’il niera par la suite18.

    Le 26 juin 1940, une seconde négociation pour faire paraître le journal a lieu entre des cadres du PCF, notamment Maurice Tréand, Jean Catelas et Otto Abetz qui les reçoit à l’ambassade d’Allemagne. Ces premiers s’engagent dans une lettre le même jour sur un certain nombre de promesses. Parmi celles-ci, « L’Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l’impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre et d’appeler les peuples coloniaux à lutter pour leur indépendance contre leurs oppresseurs impérialistes »19. En dépit de ses engagements, les dirigeants communistes ne reçoivent pas d’autorisation officielle de parution et le journal continue de paraître clandestinement en ménageant les forces d’Occupation.  »

    Là encore, le communisme était en résistance… contre la France résistance. Et tout à fait dans une optique de collaboration.

    Clarifiez donc votre propos. Si certains communistes sont entrés en résistance dès le début de la deuxième guerre mondiale, il ne s’agissait clairement pas de la doctrine maison. Et on n’effacera jamais la collaboration de l’URSS avec l’Allemagne nazie lorsqu’il s’est agit d’attaquer la Pologne.

    Tout comme on ne peut gommer le fait que la collaboration n’a absolument pas respecté le clivage gauche-droite, avec des collabos cathos et cocos et des résistants cathos et cocos.
    La gauche n’est en rien héritière de la résistance, elle fourni des collabos en pagaille tout autant que la droite. Et des résistants aussi.

    Mais le communisme lui, c’est à dire alors les socialistes soumis à l’URSS (c’est bien de cela qu’il s’agissait – ceux ayant accepté les 21 conditions au Congrès de Tours, ça ne s’invente pas) est inévitablement porteur de la macule de la collaboration de l’URSS avec l’Allemagne nazie. Tout comme certains à droite au nom du pacifisme.
    Et si c’est du passé, c’est un passé qui interdire de colporter la vulgate des 75000 fusillés la tête haute, l’air de rien.

    • La signature, le 23 août 1939, à Moscou du pacte germano-soviétique fait de tous les partis communistes adhérant à l’Internationale communiste ou 3e internationale, créée en 1919, des ennemis de la France alliée avec la Grande-Bretagne, bref un 5e colonne pouvant se mettre au service d’un allié de l’Allemagne, ce qu’était devenu l’URSS de facto ..
      Le secrétaire général Thorez a quand même déserté l’armée française pour aller se réfugier à Moscou où il est resté jusqu’à la fin de la guerre.
      A part Charles Tillon et Georges Guingouin qui ont pris tout de suite le maquis, les militants et sympathisants de l’ex-parti communiste français dissout ont attendu le 22 juin 1941 et l’agression de l’URSS par Hitler pour basculer dans la Résistance,
      Les mouvements dits  » infréquentables » cloués au pilori par la République, comme les royalistes, ont fourni les premiers résistants : Cf. Honoré d’Estienne d’Orves, fusillé le 29 août 1941 au mont Valérien. Citons aussi la manifestation de lycéens et d’étudiants du 11 novembre 1940 rassemblant plusieurs milliers de patriotes et royalistes de l’Action française, réprimée par l’occupant, qui fut l’un des premiers actes publics de résistance après l’appel du 18 juinl et l’armistice du 22.
      Il me vient à l’esprit qu’après la défaite et l’armistice de 1940, certains anciens « cagoulards » et maurrassiens ont opté pour la France libre : André Dewavrin, Maurice Duclos. Je pense aussi au colonel Rémy qui avait participé au 6 février 1934, etc.
      Enfin, le colonel de La Rocque, ancien dirigeant des Croix-de-Feu puis du PSF, est mort pour la France en 1946 des suites de son retour de déportation.
      Tous ces détails souvent oubliés volontairement de nos livres d’histoire, méritaient d’être rappelés, Aucun parti ne peut s’arroger le droit d’incarner la Résistance à lui tout seul

  3. Dire que « le communisme (…) est inévitablement porteur de la macule de la collaboration de l’URSS avec l’Allemagne nazie », c’est à la fois énoncer une vérité de fait, mais aussi, d’un point de vue performatif, accabler et discréditer beaucoup d’homme qui se sont reconnus dans le communisme, qui a guidé leur vie de militants au risque et parfois jusqu’au sacrifice de leur vie, contre tout ce qu’à pu être et signifier la collaboration avec l’Allemagne nazie. Il est vrai que l’URSS a servi, après le Pacte de non agression germano-soviétique, les fins d’Hitler: elle à remis à sa police politique des communistes allemands emprisonnés en Union Soviétique et elle a livré à l’Allemagne des matières premières stratégiques, elle a participé à un nouveau partage de la Pologne. Mais ces faits avaient aussi leur contexte.Les démocraties libérales ont livré purement et simplement la Tchécoslovaquie à Hitler, en septembre 38, sans se soucier de consulter l’Union Soviétique – alors que cet abandon modifiait notablement le fragile équilibre stratégique en Europe centrale, la Pologne participant d’ailleurs au dépeçage final en mars 39. Dans ce contexte, Staline a choisi, par calcul tactique, contre-nature d’un point de vue communiste, explicable sinon justifiable en termes d’une realpolitik dévoyée, de pactiser avec Hitler. Le Komintern a suivi – on imagine que ses dirigeants n’avaient guère le choix , puis les directions affiliées – dont le discernement était aboli par une dialectique égarée, la discipline de parti et sans doute aussi la peur . Dans les deux cas, Munich tout comme le Pacte, un crime et une faute politiques. Mais le mouvement communiste paie, en termes de discrédit constamment actualisé, beaucoup plus lourdement les méfaits de sa direction stalinienne que les héritiers de la gauche et de la droite de gouvernement ne paient l’abandon de la Tchécoslovaquie, qui a enclenché la suite de cette tragique histoire. Ce qui n’est pas juste.

    • A marcel:
      Dans les relations entre l’URSS et l’Allemagne, c’est à dire entre russes et allemands sur le dossier polonais, le bon terme n’est certainement pas « collaboration » mais plutôt « convergence d’intérêt ».
      Si la France d’un point de vue politique s’est clairement DONNEE à l’Allemagne, la Russie a plutôt joué un jeu économique (je te vends, tu m’achètes, tu me payes), un jeu territorial (tu envahis la Pologne, et tu me donnes tel territoire). Quand à la question des juifs donnés aux allemands ou de militants donnés aux Allemands, il y avait déjà une Russie répressive envers les juifs et les militants communistes bien avant d’en donner à l’Allemagne.
      Dans le même temps, si vous souhaitez continuer d’utiliser le terme « Collaboration » entre Russie et Allemagne, alors il faut aussi employer ce termes dans les relations entre Allemagne et USA (connivence entre l’Allemagne et le Grand Capital américain: les affaires sont les affaires / business is business).

  4. Les gaullistes n’étaient pas au pouvoir de janvier 1946 à mai 1958, soit plus de la moitié du temps entre la fin de la seconde guerre mondiale et mai 1968.

    On se demande donc comment ils auraient bien pu s’y prendre pour imposer quoi que ce soit, en matière historique. En particulier de janvier 1946 à mai 1958, et en particulier à des gens ayant une connaissance directe de la période.

    Qui veut noyer son chien…

  5. Le traité de Rapallo entre l’Allemagne de Weimar et l’Union soviétique signé le 16 avril 1922, viola le traité de Versailles.
    L’union soviétique et l’Allemagne ont coopéré dès le début des années 20 pour permettre à l’Allemagne de développer armes , avions, militaires hors de vue des inspecteurs de la SDN.

  6. « D’abord, et particulièrement quand on se pique de former des têtes bien faites, il faudrait un jour se préoccuper de ce que signifient vraiment les mots qu’on a la chance de pouvoir employer. Par exemple : « unanimement ». Symptomatiques de l’art, très contemporain, du relativisme contorsionniste consistant à affirmer péremptoirement une outrance grotesque et, aussitôt après, l’édulcorer jusqu’à ce que plus personne n’y retrouve ses petits, « unanimement » et « la majorité », dans le même argumentaire, se stérilisent mutuellement tout en laissant chacun en déduire ce qui l’arrange pourvu que la contradiction et la confusion n’atteignent pas le « message » principal : « la France collabo ». » En effet, ce qui est pour le moins pernicieux parce que schématique à l’extrême dans cette présentation d’une page majeure de l’histoire de France, c’est que l’histoire y est présentée en abîme, au second degré – sous le seul prisme du prétendu « mythe » résistencialiste qui l’aurait occultée après la Libération, et que ledit « mythe » est lui-même exposé pour ne pas dire expédié en une demi phrase. Il est méritoire et même salutaire de revenir sur chacun des aspects de l’histoire de la France à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières européennes durant les 6 années de la guerre et les 4 années de l’occupation, et cela amènerait à des conclusions très différentes de ce que *suggère* ce digeste qui se propose de faciliter les révisions des épreuves d’histoire en vue du baccalauréat. Mais cet incident très gênant met en lumière les graves hypothèques posées sur l’enseignement de l’histoire aujourd’hui : au prétexte du manque de temps et de l’abondance des enseignements prioritaires (pragmatiques), il faut abréger les programmes et ne retenir de l’histoire que des schémas. Et l’on voit que ces schémas ont une propension à établir un peu facilement des catégories structurales, du prêt à penser…

  7. A Nuremberg l’un des actes d’accusation avait une dimension « delicate » puisque l’un des juges (URSS) etait coupable du même crime que les accusés: l’attaque de la Pologne.
    Pays qui etait loin d’être blanc comme neige puisqu’il avait participé un an auparavant au depecage de la Tchecoslovaquie.

  8. Bonjour,

    Je ne rentrerai pas dans une problématique complexe, à savoir qu’a réellement été le PCF durant la seconde guerre mondiale. Au delà du réel courage de nombre de ses militants, cette guerre a vu entre autres la victoire du totalitarisme stalinien sur le totalitarisme hitlérien. Doit-on et peut-on hiérarchiser ces derniers? Je ne le pense pas. Ce sont deux totalitarismes et, à ce simple titre, l’un ne vaut pas l’autre.
    Sur l’attitude des français sous l’occupation, j’ai revu récemment l’excellent film de Gérard Jugnot « M. Batignolle ». Ce personnage illustre parfaitement ce qu’a du être le comportement d’une très grande partie de la population. Ancien combattant comme on l’apprend dans le film lors de sa rencontre houleuse avec un lieutenant de Gendarmerie un peu trop zélé, M. Batignolle ne peut être que pétainiste, sans trop d’excès a priori et, comme il le dit à un moment: « Si le gouvernement a pris des mesures contre les juifs, c’est qu’il doit avoir des raisons. » Et puis, il est charcutier et, en ces périodes de pénuries, il lui faut bien vivre comme beaucoup et comme beaucoup, il traficote avec les autorités allemandes et fait du marché noir. Rien de très exceptionnel en cette époque troublée. Il faut un événement imprévu, l’arrivée d’un jeune enfant juif miraculeusement échappé d’une arrestation, pour qu’il bascule du côté lumineux et sauve trois enfants. Le film aurait pu s’intitulé « M. Batignolle ou chronique d’une lâcheté ordinaire ». Combien ont-ils été ces français qui, a un tout petit niveau, ont choisi à un moment de leur existence la clarté à l’ombre? On ne le saura jamais mais loin des engagements plus guerriers, c’est à mon sens plutôt là qu’il faut chercher les actes de résistance. Pour le reste, la situation était bien trop complexe et bien des gens se sont fourvoyés de bonne foi et nous ne ferions pas mieux. D’aucuns ont vite compris leur erreur, d’autres non. J’ai connu personnellement un homme qui s’est engagé à 20 ans dans la LVF. Il en a rapidement déserté et est devenu un responsable de haut niveau dans un important maquis et cela dès 1943. Avons-nous le droit de le blâmer pour son choix de 1941? Nous, nous possédons la plupart des pièces du dossier et’il nous est facile de juger. Le grand avocat Maurice Garçon, dans son journal publié aux « Belles lettres », explique comment il a sauvé de la mort un jeune français devant un tribunal allemand (les autres accusé ont été fusillés). A la Libération, il a revu, amer, ce miraculé qui se comportait comme beaucoup de résistant de la dernière heure, ayant a priori oublié ce qu’il avait risqué. C’est cela aussi l’image d’une France résistante.

    Bonne journée

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