Affaire Benalla : le Code Pénal ? Pour quoi faire?

 

Le comportement d’Emmanuel Macron est désarmant de sincérité. Le président de la République affiche un narcissisme permanent et infantile auquel vient s’ajouter un étonnant sentiment d’impunité. Et avec lui, aucune relâche, nous avons droit tous les jours à un épisode destiné à nourrir notre stupéfaction devant l’absence de limites du personnage. Il y a eu l’épisode qui a suivi la victoire française en Coupe du Monde de football, occasion à laquelle Emmanuel Macron a été incapable de se maîtriser, en a fait des tonnes de façon gênante, avant de signifier son égoïsme méprisant avec la confiscation de la descente du bus sur les Champs-Élysées. « Moi d’abord, les autres ne sont rien. »

Une sanction ridicule

Il y a maintenant l’incroyable affaire qui concerne une espèce de « garde-du-corps-porte-flingue-conseiller » à l’Élysée auprès du chef et dont on apprend qu’il joue les nervis en allant casser du passant dans les rues de Paris. Une vidéo nous montre Monsieur Alexandre Benalla profitant d’un temps libre pour revêtir les signes liés à la fonction de policier et passer à tabac les gens qu’il soupçonne d’être des opposants à son patron. Au plan juridique, judiciaire et administratif, cette affaire est d’une gravité exceptionnelle. Elle s’est déroulée il y a plus de deux mois et demi et jusqu’à présent, la seule conséquence avait été une mise à pied de 15 jours de l’apprenti milicien !

Ce simple petit exposé suffit à provoquer une forme de sidération à la fois devant le comportement du « collaborateur », mais aussi devant celle de son patron administratif, le Secrétaire général de l’Élysée qui a pris cette sanction absolument ridicule. Et s’est surtout bien gardé d’accomplir les actes que lui impose l’article 40 du code de procédure pénale, c’est-à-dire de transmettre au procureur de Paris les informations dont il disposait. C’est presque pour moi la partie la plus importante du scandale en ce qu’elle caractérise l’incroyable et arrogant sentiment d’impunité de la petite caste qui entoure le chef de l’État.

Quand Benalla se déguise

Parce qu’à la vision de la vidéo, la commission d’un certain nombre d’infractions, semble-t-il, très graves saute aux yeux. Il apparaît tout d’abord que Monsieur Benalla a revêtu et porté des insignes (casque et brassard) tendant à le faire passer pour un policier dans l’exercice de ses fonctions. Premier délit prévu et réprimé par l’article 433-5 du Code Pénal. Imparable.

Ensuite, le même Monsieur Benalla, affublé de son déguisement, a exercé des violences contre des personnes visant à les faire passer pour des interventions des forces de l’ordre elles-mêmes. Il a donc lourdement violé les articles 433-12 et 433-13 du Code Pénal qui interdisent de s’immiscer dans une fonction publique réservée à son titulaire, et de le faire en introduisant une confusion dans l’esprit du public, et notamment par le port de cet uniforme. Cela s’appelle en bon français une « usurpation de fonctions ». C’est une infraction très grave.

Il suffit par ailleurs de regarder la vidéo pour constater que l’énergique collaborateur du président a exercé des violences illégitimes sur la personne de ces deux passants. Dont il semble bien qu’ils ne participaient même pas à la petite manifestation sur cette place de la Contrescarpe. Application de l’article 222–13 du Code Pénal, le « policier » de circonstance a, semble-t-il, bien commis les coups et blessures volontaires interdits par la loi. Le palmarès de notre paramilitaire 2.0 commence à sérieusement s’étoffer. Mais ce n’est pas fini.

L’auteur de la vidéo semble dire qu’Alexandre Benalla l’aurait menacé s’il s’avisait de la diffuser. De façon à la fois retenue et nuancée, il lui aurait lancé : « Si tu la diffuses, je te crame ! » Bien, bien, bien, comment interpréter cette menace ? Celui qui l’a lancé a fait la démonstration que la violence physique ne lui faisait pas peur et qu’il en avait même un certain goût. C’est que la loi fait une distinction entre les menaces de violence et les menaces de mort. Le tarif du Code pénal pour les menaces de mort, c’est plus cher. Alors « cramer » ?

Et la justice dans tout ça ?

Chacun ici connaît mon attachement au principe de la présomption d’innocence. Alexandre Benalla y a droit, comme tout le monde. Encore faudrait-il que la justice soit saisie. Et c’est là que se pose à mon avis le problème le plus grave dans ce qui vient de se produire. L’inertie dont a fait preuve le Secrétariat général de l’Élysée à cette occasion constitue le cœur du scandale. Qu’Emmanuel Macron ait besoin d’un garde du corps n’est pas anormal, même si la qualité du recrutement renvoie à la légèreté du chef de l’État. Mais que l’administration ayant connaissance des faits et de leur extrême gravité ait jugé pouvoir s’en tirer, avec cette sanction administrative, caractérise un mépris de la loi et des règles inacceptable de la part de fonctionnaires de ce niveau.

Car, en effet, au-delà du caractère ridicule de ladite sanction administrative, il y avait l’obligation de transmettre au procureur la connaissance des faits de nature à constituer les graves infractions pénales que j’ai relevées. L’inobservation par un fonctionnaire de l’obligation qui lui incombe prévue par l’article 40 du Code de Procédure pénale n’est pas assortie de sanctions pénales dans le texte. Pour une bonne raison c’est que c’est une obligation administrative. Qui engage la responsabilité professionnelle du fonctionnaire et par conséquent celui qui ne la respecte pas encourt une sanction disciplinaire.

Le Secrétaire général de l’Élysée n’a plus rien à faire à son poste. Nous sommes bien sûrs que le prince lui demandera d’y rester. Sentiment d’impunité quand tu nous tiens.

Régis de Castelnau

65 Commentaires

    • Résumons : « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser » ….. Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu ( L’Esprit des Lois )

  1. Et la victime n’a pas été identifiée ? la constitution de partie civile devrait rester possible.

  2. Il semble en plus que ce monsieur soit porteur d’une arme.
    L’impunité entraîne l’arrogance, ce qui est vécu dans les banlieues se voit partout dans ce pays.

  3. Après la mise au pas du code du travail c’est le tour du code pénal : le prédateur en chef et ses acolytes semblent frappés d’amnésie à ce sujet…
    Merci pour cet article.

  4. Bonjour,

    Je m’étonne de votre affirmation: « Une vidéo nous montre Monsieur Alexandre Benalla profitant d’un temps libre « . Comment peut on savoir qu’il est sur du temps libre? Et s’il ne l’est pas, que fait il ici? Lui a t’on demandé d’y être?

    La vidéo montre également la présence d’autres policiers (des vrais cette fois, enfin quoique…) qui n’empeche M Benella d’intervenir. Ce qui tendrait à prouver qu’il le connaisse et/ou qu’ils ont eu des instructions…. Les implications deviennent tout autres.

    Qu’en pensez vous?
    Cordialement.

  5. Si je compte bien, ça fait cinq infractions pénales qu’aurait commises M. Benalla. Il me semblait bien que son employeur aurait dû saisir le Procureur. Bien que n’étant pas juriste, il me semblait bien qu’il fallait que la justice fût saisie, or rien ! Une question : le procureur ne peut-il pas se saisir lui-même dès qu’il a connaissance des faits ?
    Une remarque : nos députés ont poussé des cris horrifiés (à gauche comme à droite) devant la sanction de 15 jours de mise à pied, mais pas un de ceux que j’ai vus n’a évoqué le moindre signalement au procureur ! Sont-ils si ignorants de la loi qu’ils font ? Ou protègent-ils aussi leur copain supposé secrétaire-général de l’Élysée des foudres de l’opinion publique ?

  6. chaque jour , ou presque , j’attends votre éditorial , et , à chaque fois , je suis en admiration devant la justesse de votre analyse!!
    Continuez à nous reveiller!
    Mille mercis;

  7. Le secrétaire général de l’Elysée aura 15 jours de suspension d’ activité sans salaire. Cette disposition va être incluse dans la constitution

  8. Je me sens en totale insécurité dans mon pays, les flics, gendarmes etc sont extrêmement violents dans toutes les manifs ; MACRON DEMISSION

  9. Qui est ce mystérieux M.Bella ?Flic ou voyou ?Ah…chargé de mission,responsable de la sécurité du président de la République c’est-à-dire un proche collaborateur du président?Va comprendre Charles…Qu’est-il allé faire dans cette galère,pendant son congé qui plus est…?Peut-être que c’est compulsif chez ce M.Bella,peut-être qu’il se fait du bien en tabassant de jeunes manifestants inoffensifs…?Peut-être que c’est la raison pour laquelle il est si apprécié de M.Kohler et de M.Macron?On ne sait pas.Va comprendre Charles..

  10. Bof, il y a bien pire! et tous les jours… Ca fait trois siecles que nous annonons ‘selon que vous serez’ et probablement qu’Esope le faisait déja répéter a son aéropage phrygien six siecles avant notre ere… L’ égalité devant la loi, tiens, ce serait nouveau!

  11. Le pouvoir rend fou, le pouvoir absolu rend absolument fou!
    On le savait.
    Mais quel talent de Macron et ses sbires malveillants, suffisants et méprisants pour le prouver! Si l’on compare, Hollande et Sarkozy étaient de petits joueurs.
    Il est vrai que les temps ont changé, et que pour être champion, à l’heure de Trump, il faut muscler son jeu. C’est réussi!

  12. On peut imaginer ce que ça aurait été si c’était un syndicaliste qui s’en était pris de la sorte à un drh lors d’une manifestation anti licenciements : le gars aurait été jugé en comparution immédiate, aurait pris deux ans ferme et Macron n’aurait pas eu de mots assez durs contre les « riens » et les « feignants » qui feraient mieux de travailler !

    Et à propos de mots durs : ne trouvez-vous pas que l’extrème droite, d’habitude si prompte à hurler au scandale pour tout et pour rien, est diablement silencieuse ce coup-ci ?

    Attendons de voir ce qui va sortir…..

  13. Je vous cite, « Qu’Emmanuel Macron ait besoin d’un garde du corps n’est pas anormal, même si la qualité du recrutement renvoie à la légèreté du chef de l’État. »

    Si, en fait, c’est anormal, parce que la protection du président de la République française est assurée, tout à fait officiellement, par une unité de la police, le Groupe de Sécurité de la Présidence de la République (GSPR).

    Donc, le garde du corps parallèle de Macron, reste à savoir si c’est même légal.

  14. Cagoule noire à matraque ou pistolet ?… révolutionnaire nationaliste ?
    École sécuritaire ultra-libérale du parti socialiste 1969 et/ou du FN 1972 ?

  15. Texte par FRANCE 24

    Dernière modification : 20/07/2018

     »Axxusé de violences lors de manifestations le 1er mai, ainsi que d’usurpation de fonction, Alexandre Benalla a été placé en garde à vue vendredi 20 juillet. L’Élysée annonce qu’une procédure de licenciement a été engagée à son encontre.  »

    Tout arrive, en son temps…lol.. .peut etre pourrait-on en profiter pour vérifier ses états de service antérieurs a son embauche en tant que ‘chargé de mission a l Elysée’. Et peut-etre que le code pénal n’ est pas si inutile, finalement.

  16. Politiquement, il ne faut pas trop se monter le bourrichon.

    Cette affaire sort au meilleur moment pour le pouvoir, juillet : en septembre, c’est la rentrée, tout est oublié.

    Cela ressemble fort à une campagne de désamorçage d’une affaire qui serait sortie de toute façon (des videos circulaient sur internet). Certes, le désamorçage est un peu brouillon car, malgré le temps dont ont disposé les protagonistes pour se coordonner, le discours est hésitant et changeant.

    Mais sur le fond de la forme (si je puis me permettre cette expression), le plus dur est fait. Il suffit à Macron de serrer les fesses et les rangs jusqu’au 15 aout et c’est bon.

    • Monsieur, il se semblerait que vous soyez inculte en culture historique.
      Le président viens de faire une boulette encore pire que son mentor en politique, j’ai nommé François Hollande.
      Si pour le peuple , l’affaire Léonarda a montré le manque de décision de FH. En effet, l’expulsion de la miss et de sa famille relevait d’un sous -préfet et non pas d’une décision du président de la République.
      L’affaire Benalla indique 2 choses .Soit le président ,désire une police politique comme la Gestapo ou la Milice d’il y a 73 ans pour accomplir ses basses besognes. Soit, l’entourage du président ne sais pas recruter des gorilles matures? Dans les cas, la France est mal gouverné.
      Toujours est’il que dans cette histoire, le Ministre de l’intérieur à perdu son honneur.

  17. Je souscris entièrement à ce que vous dites.
    On en outre ne peut négliger quelques étrangetés.
    Ce monsieur, à 26 ans, est lieutenant-colonel de la réserve citoyenne. Grâce à qui ?
    Il loge dans l »immeuble où Mazarine était logée.
    Il gagne environ 10 000 euros.par mois. Salaire d’un ministre ?
    Il faut du vélo, du ski, du tennis avec le chef de l’Etat.
    Il a été poussé par lui à se porter candidat à une fonction de sous-préfet au tour d’extérieur et a dû renoncer, face au tollé que cette candidature extravagante avait provoqué;Quelles sont ses compétences, quelle est sa formation, quel est son CV ?

    • Laissez donc ma culture historique tranquille, c’est les vacances pour tout le monde.

      Votre sempiternelle référence aux heures les plus sombres de notre histoire (selon la formule consacrée) montre peut-être la pauvreté de vos propres références. Emmanuel Macron a beaucoup de défauts mais ce n’est pas un fasciste. Le fascisme, comme le nazisme, sont morts depuis longtemps et servent juste d’épouvantails pour les gogos.

      Le pouvoir est engagé dans une course de vitesse, avec l’aide de la justice (qui a l’habitude, depuis l’affaire Fillon, de faire preuve d’une célérité stupéfiante dès qu’il s’agit de favoriser une certaine politique) : il faut qu’au maximum cette affaire soit réglée le 20 aout, quand les gens rentrent de vacances.

      Ce n’est pas gagné, mais pas perdu non plus.

      • A propos de vacances
        La 1ère guerre mondiale a commencé le 4 Aout 1914, et l’autre les premiers jours de Septembre 1939.
        Profitez bien du pastis et du soleil, cher contributeur

  18. Des cris d’orfraie, de la surenchère dans les commentaires horrifiés, avec cette affaire l’opposition a trouvé un os à ronger pour l’été.

  19. Nouveau sur le blog, je lis avec gourmandise la justesse de ton ,le sens aigu de notre quotidien nos inquiétudes sont d’autant plus exacerbées que le reel dépasse la fiction même les pires scénarios ne nous auraient pas étés concevables ce qui m’inquiète d’autant plus sur le devenir très proche car les choses vont si vite que nous en sommes en incapacité d’en mesurer les conséquences celles présentes nous inquiètes les futures nous trouble encore d’avantage merci à vous maître de cet éclairage tant salutaire .

  20. Il me semble qu’il y manque le délit de complicité passive pour tous ceux qui étaient informés de ces délits, ainsi que le délit pour avoir ordonner ou exécuter des ordres arbitraires : Article 432-4 du CP.

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