Syrie : les Verts en kaki

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Il y a ceux qui ont un peu de mémoire et pour lesquels 2003 et l’intervention américaine en Irak, ce n’est pas si loin. Il y a ceux qui ont encore un peu plus de mémoire et qui, s’intéressant au XIXe siècle, se disent que la « diplomatie de la canonnière » est peut-être une méthode qui date un peu. Les grandes puissances avaient pris l’habitude de bombarder les villes côtières des pays qui ne payaient pas leurs dettes. Faire de même pour une dette certes morale cette fois-ci, loin de faire avancer les choses, risque de compliquer encore un peu plus le bazar existant.

Il y a ceux qui s’ils avaient été au pouvoir auraient été pour le bombardement, mais qui, pour la galerie, se sentent obligés d’être contre. Ceux à qui il reste quelque lambeau de gaullisme et qui ne peuvent se résoudre à approuver. Ceux qui sont au pouvoir, et auraient, de toute façon, soutenu les Américains comme d’habitude, mais le font cette fois-ci, avec la véhémence un peu ridicule du faux dur. Il y a les juristes, qui disent que lorsque l’on veut « punir » une faute, il y a des règles à respecter. Établir irréfutablement cette faute, suivre une procédure et faire prendre la décision par l’instance légitime à le faire.

Il y a les communistes, qui sont bien embêtés. Les municipales s’approchent, et si l’on veut garder quelques gamelles, il faut se montrer accommodant. Alors, avec emphase, on parle de guerre, on ressort les vieux mots d’ordre et même, en première page, la phrase de Prévert : « Quelle connerie la guerre ! » Tellement déphasé que personne n’écoute. C’est le but. Il y a aussi Mélenchon inaudible, tout occupé à sa grande opération tactique de rentrée, le débauchage d’Eva Joly. Et puis il y a les Verts. Ah les verts! Avec eux on n’est jamais déçu, jamais ! On passera sur la prestation assez terrifiante de Barbara Pompili à « Mots croisés » étalant avec une candeur désarmante sa totale ignorance du sujet. On ne s’étalera pas non plus sur les âneries habituelles de Noël Mamère. Non, soyons sérieux, et référons-nous au communiqué officiel du mouvement.

Après la saillie de Xavier Cantat sur le « défilé de bottes », après les différentes suggestions d’Eva Joly qui veut remplacer les défilés militaires par de la « street dance » ou Mme Blandin  qui veut updater les paroles de notre trop sanguinaire Marseillaise, on pensait logiquement y retrouver l’expression du vieux fond antimilitariste auquel ils disent se rattacher. Pensez donc ! La lecture de leur communiqué officiel sur le site du mouvement vaut son pesant de cacahuètes équitables. Disséquons-le un brin.

On y parle bien sûr de « l’utilisation avérée d’armes chimiques contre sa propre population civile par la dictature syrienne ». Dès le 28 août, avant même l’intervention des experts de l’ONU, les Verts savent ! Trop forts !

« C’est pourquoi pour EELV, une intervention, y compris militaire, nonobstant l’utilisation par la Russie et la Chine de leur droit de véto au Conseil de sécurité de l’ONU, est à ce stade inéluctable. » Y compris militaire, cela veut dire qu’un bombardement (il n’est pas question d’autre chose, justement) cela peut ne pas être militaire ? Et dans ce cas-là, c’est quoi. On balance des OGM sur Damas ?

Toujours selon le communiqué officiel d’EELV, les frappes aériennes ciblées doivent «avoir pour seule vocation de protéger les populations civiles, notamment dans les zones libérées et sous contrôle de l’Armée Syrienne Libre ». Les Verts savent bien que les frappes « chirurgicales », c’est bidon. Il y aura de la casse dans les populations civiles. Mais EELV fait le tri entre les innocents.

On continue, si vous le voulez bien : « La situation en Syrie démontre également l’impérieuse nécessité et l’urgence de réformer le fonctionnement du conseil de sécurité de l’ONU et l’exercice du droit de veto, celui-ci étant désormais totalement inadapté à la géopolitique du monde actuel. » En  développement durable, ils sont très forts les écolos, mais en géopolitique aussi, drôlement. Et puis on ne va quand même pas s’embêter à discuter de la marche du monde avec des moujiks et un milliard et demi de Chinois ! Même s’ils disposent de l’arme nucléaire. Il faut régler ça entre gens civilisés. C’est l’Amérique qui décide, avec la France, au garde-à-vous.

S’agit-il des vraies convictions de nos Verts, ou d’une position de circonstance ? Au mois de mars prochain, avec les municipales, il y aura distribution de soupe. Ayant été spécialement bien servis aux précédentes, y auraient-ils pris goût, même si, pour le coup, c’est pas de la soupe, c’est du rata ?

Régis de Castelnau

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