François Fillon : sans caractère, pas de destin

Eh bien nous y voilà enfin ! Les époux Fillon sont renvoyés en correctionnelle, nouvelle péripétie procédurale dans un dossier qui dormait pourtant paisiblement, en l’absence de toute échéance électorale. C’est le moment de lire l’ouvrage publié par Véronique Jacquier et fort justement intitulé : François Fillon, l’homme qui ne voulait pas être président.Fillon, l’homme des élections

Tout le monde se souvient du raid judiciaire contre François Fillon lancé à quelques semaines du premier tour de la présidentielle 2017, dont le déroulement était apparemment destiné à disqualifier le candidat. Voilà aujourd’hui que ça recommence, la justice continuant à appliquer un agenda qui, à un mois des européennes, n’a évidemment rien de politique.

Rappelons-nous, l’affaire avait démarré sur les chapeaux de roue, à une vitesse sans précédent en pleine campagne présidentielle – célérité dont on nous avait dit contre l’évidence qu’elle était normale et habituelle. Candidat de la droite républicaine éliminé, mission accomplie, Macron élu, l’urgence à instruire et à alimenter les médias avait disparu. La justice avait pu ainsi reprendre son cours paisible.

L’ennui c’est qu’Emmanuel Macron est aujourd’hui politiquement en grande difficulté. Il faut donc tout recommencer. Initiative accompagnée comme d’habitude par une violation grossière du secret de l’instruction, la presse disposant, avant même les prévenus concernés, de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. La routine quoi, sans que cela ne contrarie grand monde.

Un homme « sans qualité »

La lecture du livre de Véronique Jacquier, journaliste qui l’a suivi de 2012 à 2016, est donc à recommander. Au-delà de la description de ces péripéties, elle nous permet d’appréhender la personnalité d’un homme « sans qualité » mais qui a pu mener une longue carrière politique. Qui le verra multiplier les mandats, les postes de ministre et en particulier celui du premier d’entre eux, pendant cinq ans, durée seulement dépassée par Georges Pompidou sous la Ve République. Une longue carrière politique qui le verra remporter triomphalement, et à la surprise générale, la primaire de la droite pour voir s’ouvrir devant lui un boulevard menant à la magistrature suprême. Posément, Véronique Jacquier, décrivant le personnage, sa personnalité que son enquête a permis de saisir, sa réussite et sa trajectoire formellement brillante mais terne dans son contenu, nous démontre trois choses.

D’abord que François Fillon n’était pas l’animal politique que sa carrière pouvait laisser penser. Ensuite qu’il n’était pas non plus équipé pour le combat présidentiel comme sa défense calamiteuse face à l’agression médiatico-judiciaire du printemps 2017 l’a prouvé. Et enfin que le système de production des élites politiques réduit à un affrontement des egos par la communication ne peut qu’aboutir à de pareilles erreurs de casting.

François Macron et Emmanuel Fillon

Je suis de ceux qui considèrent que la sincérité du dernier scrutin présidentiel a été altérée. Et que deux ans après, on peut mesurer que le parfait inconnu qui en a bénéficié à l’époque et accédé à l’Élysée n’avait pas grand-chose à y faire. Mais, d’une certaine façon, la lecture du livre de Véronique Jacquier est troublante en ce qu’elle nous amène à considérer que François Fillon, cela n’aurait pas été terrible non plus.

L’auteur se reconnaît comme une filloniste initiale, surprise par le naufrage et qui a cherché à le comprendre. D’une lecture agréable, l’ouvrage dresse en fait plusieurs portraits et en particulier celui du monde politique dans lequel s’est déroulée cette forme de tragédie qui a vu un homme que tout le monde pensait déjà à l’Élysée exploser, purement et simplement, en plein vol. Voilà quelqu’un qui ne se destinait pas initialement à la politique mais qui a bénéficié, avec Joël le Theule – notable à l’ancienne -, d’un parrain, qui lui a laissé en héritage l’apanage qu’il avait constitué.

La pointe basse du triangle

François Fillon apparaît comme un homme très orgueilleux souhaitant vivre dans le luxe, mais ne disposant pas du caractère qui fait les grands fauves, celui qui permet de mener les batailles politiques pour arriver au sommet. François Fillon n’aime pas se battre, et c’est la seconde leçon du livre qui décrit un monde politique complètement corrodé, où n’existe plus l’idée d’intérêt national, un monde réduit à une arène où s’affrontent des egos finalement très médiocres.

On y voit à l’œuvre les trois angles du triangle infernal : Sarkozy, Juppé, Fillon qui a jeté la droite républicaine dans le précipice. Car quelle que soit l’origine de l’avènement d’Emmanuel Macron, l’effondrement du vieux système, droite et gauche confondues, n’était pas dans les prévisions initiales. Et Véronique Jacquier pose la bonne question : ce qui est important, ce n’est pas de dire « qui a tué François Fillon ? » mais « qu’est-ce qui a tué François Fillon » ?

Introuvable destin

Véronique Jacquier n’esquive pas cette question et y répond clairement. Cependant, François Fillon était de ce point de vue une cible facile. Les faits qu’on lui reprochait révélaient un personnage ayant un rapport déplaisant à l’argent et sa défense, qu’elle soit judiciaire, médiatique ou politique fut calamiteuse. Le livre en narre les péripéties et le portrait qui en ressort n’est pas très reluisant. Et selon la bonne vieille habitude de la vie politique française, les médias et ses adversaires, qu’ils soient des concurrents ou qu’ils émanent de son camp, ne se sont pas gênés pour en profiter. Faire de la politique par juge interposé, c’est chacun son tour, n’est-ce pas Jean-Luc Mélenchon…

Pour l’auteur, ces insuffisances étaient le résultat d’un choix : celui de nourrir son orgueil en se fixant l’ambition du sommet sans s’en donner les moyens. Ce qui explique et justifie parfaitement le titre de son livre. De Gaulle disait qu’un destin c’est la rencontre des circonstances et d’un grand caractère. Minutieuse, voire implacable, Véronique Jacquier nous décrit les circonstances et dresse le portrait d’un François Fillon sans véritable caractère pour les affronter.

Difficile dans ces conditions de se construire un destin.

Régis de Castelnau

12 Commentaires

  1. Permettez à un vieux militant politique de n’être pas étonné de la teneur du livre de Véronique Jacquier sans toutefois l’avoir lu. En effet comment un présumé disciple de Philippe Seguin a-t-il pu être le premier ministre pendant 5 ans de Nicolas Sarkozy. Il fallait manquer de caractère pour subir les rebuffades de l’agité qui nous a servi de président de 2007 à 2012. A l’évidence François Fillon n’était pas un Homme d’Etat.
    Comme tous les présumés héritiers du Général il a contribué à liquider son oeuvre politique par le quinquennat et les politiques économiques et sociales qu’ils ont mis en oeuvre notamment depuis 1992. Le parti qui se prétend socialiste en a été le complice ce qui a permis l’effraction politique que constitue l’élection de Macron.

  2. On peut penser ce qu´on veut de Fillon le problême c´est que la Constitution a été violée lors de la campagne présidentielle de 2017 du fait de la violation de la séparation des pouvoirs et d´une campagne juridique et médiatique contre Fillon. parfaitement infondée et illégale à laquelle personne n´aurait résisté.
    Si vous acceptez que la France soit devenue une république bananière, dites le.
    Salutations

    Vendeuvre.

  3. Je suis d’accord avec A.de Vendeuvre.
    Le peuple français devait rester libre de voter pour F.Fillon, et de se rendre compte par lui-même qu’il n’était peut-être pas un grand homme d’Etat. Mais à cause de l’intervention des juges, on ne le saura jamais.
    D’autre part, d’après E.Zemmour (je sais), les juges n’avaient rien à faire dans cette histoire d’emplois fictifs, Mr.Fillon, comme tous les autres parlementaires, faisant de qu’il veut de sa réserve parlementaire.
    Les juges ( au titre de la séparation des pouvoirs) n’avaient pas à intervenir dans l’utilisation par F.Fillon de sa réserve parlementaire.

    E.Macron a bénéficié d’une procédure irrégulière de la part de certains juges.

    • Le peuple français était libre de voter pour Fillon, et il ne l’a pas fait.

      Fillon n’avait pas plus le droit de faire ce qu’il veut des sommes disponibles pour embaucher un assistant parlementaire que les parlementaires britanniques ne pouvaient faire ce qu’ils voulaient des indemnités parlementaires :

      https://en.wikipedia.org/wiki/United_Kingdom_parliamentary_expenses_scandal

      Le principal problème de Fillon était son programme, dont la nature véritable déjà plus ou moins perçue de tous a été cruellement soulignée par le scandale.

      Bien entendu, les amants inconsolables de la défaite et de l’occupation…enfin, je veux dire, les amants inconsolables des réformes leur permettant d’arrondir un magot dont ils n’ont nul besoin ont du mal à digérer la défaite de leur champion.
      Pourtant, c’est bien là qu’il faut creuser pour éviter une future déculottée, avec ou sans l’aide de la presse et des juges.

  4. Il est difficile de juger un homme quand celui-ci n’a rien à se reprocher si ce n’est « un manque de caractère ». Le recul que permet une haute vision des problèmes et la Sagesse des esprits saints n’a jamais porté chance à quiconque dans ce pays qui ne sait plus ce qu’elle est.
    « Ne pas vouloir se battre » me fait penser aux jeux du cirque qui contentent un peuple, le politique Fillon manque de sel !: allons, préférons donc les idiots aptes à passionner les français !!!

    • Les qualités qui servent à conquérir le pouvoir ne sont pas nécessairement celles qui permettent de l’exercer au mieux.
      F.Fillon a été un candidat médiocre. Aurait-il été un Homme d’Etat une fois président ? On ne le saura jamais.

  5. Et il a fallu pour que dame jaquier sorte de sa torpeur beato-libérale et son admiration pour le guignol de Sablé sur Sarthe une affaire pré-électorale ? Et cette dame fait partie de « Nos élites ». Guère rassurant. Pourtant journaliste elle aura probablement assisté au grand plan de redressement Fillon annoncé pompeusement devant toutes les chaînes en continu et dont le plus saillant dont je me souvienne est la taxe sur les boissons sucrées ou édulcorées, roulements de tambour et cymbales.
    Quant au très édifiant documentaire de lcpan sur celui qui était tellement médiocre scolairement que son père l’orienta piston à l’appui en politique, elle ne peut qu’en avoir eu connaissance et il montre que, déjà, les vrais journalistes qui font leur travail avant les affaires et pas après savaient à quoi s’en tenir sur l’amateur de petits bolides.
    Décidément, tant de science et de savoirs amassés pour si peu de lucidité, un peu comme dame Meda la multi-sur-diplômée qui tombe des nues d’avoir été manipulée par un président sur lequel plus personne ne se fait d’illusion depuis….tiens un an tout juste et la fameuse affaire Benalla !

  6. Heureusement qu´il y a des Castigat qui peuvent nous éclairer. Les millions de guignols qui ont voté Fillon le remercient pour sa perspicacité et son langage choisi.

  7. Ce qui a tué politiquement François Fillon, c’est peut-être le fait d’avoir à de multiples reprises, pendant l’année en cours, déclaré qu’ « en Syrie il faut soutenir le Hezbollah face à Daesh ».
    Le Hezbollah, ennemi mortel d’Israel.
    Dès lors, c’est François Fillon lui-même qui s’est trouvé muni de puissants ennemis, pas d’accords pour qu’il puisse accéder à la fonction suprême.
    D’ici que ce soient ces puissants ennemis qui aient collecté et habilement distribué les renseignements compromettants sur sa personne…en plus de « l’affaire des costumes »….
    Ce qui est surréaliste, c’est que le principal intéressé lui-même, bien que pensant ces renseignements impossibles à obtenir par des moyens classiques, semble ne pas comprendre d’ou ont pu venir les coups…Il n’était décidément pas fait pour la politique Française.

    • à Dupatet: mais alors, selon votre commentaire, ce qui a « coulé » Fillon c’est qu’il a mal négocié avec ses proches politiques pro israéliens! Le fait qu’il ait employé fictivement son épouse et « trichemment » ses enfants n’est pas un problème?
      Donc, on peut mettre le pire des escrocs à la tête d’un pays, du moment qu’il choisisse bien ses amis ça passe et c’est normal?

  8. Vouloir un regime presidentiel implique que la Providence joue le jeu en produisant des hommes d’exception; n’est pas monarque qui veut.

    Peut-être serait-il sage de revenir à des institutions democratiques où le pouvoir n’est pas detenu par un homme seul ? retour à l’ère d’avant la « forfaiture » de 1962…

  9. Sarko n’a surtout pas supporté que son premier ministre Sarthois puisse révéler au peuple que les caisses étaient vides, un péché originel ayant condamné définitivement Fillon aux yeux des mondialistes.

    Caisses vides non pas par la seule faute de Sarko, mais par la faute des politiques en succession au soutien de la logique du marché, dont Sarko est également un serviteur compulsif.
    Parce qu’au bout d’un moment, pointer du doigt tel ou tel phénomène, telle ou telle injustice ou tel ou tel désordre, c’est la critique de l’écume et qu’il faut dézoomer et tenter de comprendre l’ensemble, à savoir traquer une cohérence dans ce qui apparait chaotique.
    Pourquoi Fillon a t-il été flingué ? Pourquoi ce coup d’état démocratique ayant conduit à l’élection de Macron ?

    Parce que le marché le réclamait, tout simplement.

    Le marché mondialisé nécessite des politiques favorables à son expansion, ce qui implique le dépérissement programmé des démocraties locales dont on voit bien qu’elles limitent la liberté du l’ultra libéralisme, que ce soit par des revendications sociales, religieuses, culturelles, de classes ou de frontières.
    L’idéologie progressiste a donc choisi de tuer la démocratie, comprendre les états nations occidentales et la survie du marché, passant obligatoirement par la mondialisation marchande, se cherche donc une nouvelle légitimité autre que dans les démocraties locales.
    C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’assassinat politique de Fillon, dont le programme était incompatible avec le N.O.M.
    C’est également ce contexte qui permet de comprendre la transition énergétique à marche forcée.
    En effet, l’impuissance actée ou plus précisément, les difficultés rencontrées par les démocratie locales quant à garantir la pérennité du marché mondialisé, inquiètent les 1%, d’où cette urgence climatique à grand renfort du GIEC ou de madones manipulées à l’instar de Greta Thunberg, achoppant sur un totalitarisme climatique en succession des démocraties locales et afin de légitimer le marché mondialisé.

    On comprend bien alors l’affaiblissement progressif et programmé de l’élu à la magistrature suprême, dont Macron est l’archétype, encore chef des armées, certes, mais plus pour longtemps, car l’armée européenne est sur la table, il ne lui reste plus que le bouton nucléaire qui ne sert plus à rien ou presque et ce, dans le contexte post guerre froide et surtout n’ayant plus le pouvoir de vie ou de mort depuis les lois Badinter.
    Cet affaiblissement est consubstantiel au transfert de souveraineté aux structures supra nationales, comme autant de relais préparant à la gouvernance mondiale légitimant le marché mondialisé.
    C’est dans ce tableau que l’on doit mettre en perspective le rôle d’un BHL quant à provoquer le chaos en Afrique du nord et à l’Est du continent Européen et sous couvert de faire respecter les droits de l’homme, permettre surtout à un Soros de financer les vagues migratoires en Europe afin de sous tendre le remplacement du social par le sociétal, comprendre la mixité sur fond de dumping social et afin de casser les résistances néfastes à l’expansion du marché ultra libéralisé, d’où des Schiappa pour nous vanter l’égalité hommes-femmes, le LGBtisme et autres joyeusetés.

    Bien entendu, il faut remplacer les individus et leur besoin de transcendance pour certains, par des sujets marchands, des nomades salariés et apatrides dans les grandes métropoles, bientôt des transhumains, des esclaves modernes du marché ne cherchant leur bonheur que dans leur propre jouissance de consommer , bref embrassant l’idéologie libérale libertaire, dont un Cohn Bendit fut l’apôtre depuis 68 et germant sur le terreau de la laïcité.
    Ainsi posé, les costumes de Fillon, Bourgi et toute la story telling autour de son empêchement juridique, c’est du proxy pur, les agents mondialistes, dont Sarko fait parti, avaient déjà décidé qu’il ne serait pas président, encore moins avec ses velléités de se rapprocher de Poutine ou de sauver les chrétiens d’orient.

    Ce n’est pas plus compliqué que cela.

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