9 novembre 1989, le deuil de quoi ?

Être communiste en France dans les années 70, d’une certaine façon c’était assez confortable. L’anticommunisme était virulent, et le choix d’être de ce côté, s’il vous isolait socialement, permettait le combat. Et ce serait mentir de prétendre que quand on a 20 ans, on y rechigne. En plus, le PCF était ouvriériste ce qui m’allait très bien. Non que la petite bourgeoisie et les intellectuels n’y fussent pas présents, mais il leur était rappelé fréquemment que les patrons du Parti étaient les ouvriers. Personnellement cela ne me gênait pas du tout, je considérais n’avoir socialement rien à expier, j’étais venu là pour servir, et y avais trouvé le confort de ma double culture d’origine : la militaire avec la discipline et la religieuse avec le dogme. Et comme en plus, outil d’intégration de la classe ouvrière à la Nation française, le Parti communiste était profondément patriote, j’étais vraiment à l’aise. Je me rappelle qu’en ce qui concerne l’instauration du socialisme, personne n’était dupe de l’impasse soviétique, mais que nous français, héritiers de la Révolution nous allions montrer un autre chemin que nous appelions « la démocratie avancée ». On sait ce qu’il en a été.

Rappelons que si le 9 novembre 1989 fut un jour de libération pour les habitants de la Prusse, qui n’ont pas payé bien cher leur soutien jusqu’au bout à l’ordalie nazie, il fut aussi la véritable fin de la deuxième guerre mondiale et celle du court XXe siècle comme le qualifiait Éric Hobsbawm. Disparut alors ce qui fut la grande passion du XXe siècle, fruit coûteux de l’accouchement brutal de la révolution industrielle au siècle précédent. Pour l’avoir partagée, le 9 novembre 1989 est pour moi un jour de deuil, celui d’une espérance, et l’annonce prévisible de ce qui nous attendait malgré les rodomontades de Fukuyama.

Il a fallu réfléchir et tenter de comprendre pourquoi ça n’avait pas marché. Charles Darwin m’a fourni quelques pistes tandis qu’un de ses compatriotes m’a fort aimablement conseillé la sagesse. George Bernard Shaw disait : « qui n’est pas communiste à 20 ans n’a pas de cœur, qui l’est toujours à 40 n’a pas de tête ».

Le problème cher Monsieur Shaw, c’est que la bestiole ne se loge ni dans la tête ni dans le cœur, mais finalement dans les tripes. Là où réside nous disent les biologistes notre second cerveau, et il arrive que cette bestiole ait le sommeil léger. Pouvant être troublé par le chant et les slogans d’un peuple qui se redresse. Elle avait ouvert un œil en 2015 avec l’arrivée de Syriza au pouvoir en Grèce, mais Tsipras s’est empressé de le refermer. Depuis le 17 novembre de l’année dernière, les deux sont maintenant grands ouverts, parce que le peuple français se vêtissant de jaune, confus et peut-être maladroit a quand même, une fois de plus, envoyé un message au monde. Dont de Santiago à Beyrouth on entend les échos.

Alors, l’émancipation humaine est probablement une utopie, mais on va continuer à la vouloir.

Pour rester en vie.

Régis de Castelnau

13 Commentaires

    • Merci. (D’apres Larousse c’est le prix du biftek pas les teutons orientaux qui a ete libere ce jour la. Mais Hobshaw n en parle pas. Il aurait pu. »

  1.  » Je vais te dire, si un jour le Parti n’est plus dirigé par un ouvrier ça sera la catastrophe » c’était au mitan des années 70 que ce camarade près de la retraite, disait au jeune secrétaire de cellule que j’étais. Heureusement il n’aura connu que le tout début de la cata.

  2. Tu as raison REGIS moi aussi j’ai la nostalgie de ce temps là ;qu’avons nous fait ,ou que n’avons-nous pas fait ,pour qu’aujourd’hui tant de guignols criptofascistes puissent etre élu dans tant de pays ? qu’avons nous fait ,ou que n’avons nous pas fait ,pour que dans notre pays la politique se résume au duo MACRON-LE PEN ? si je le savais si je l’analysais je saurais peut-être quoi faire aujourd’hui mais hélas …….

  3. Alain Badiou, philosophe maoïste, a tiré les conséquences de l’échec communiste et globalement de la révolution prolétarienne face au néo-libéralisme triomphant.
    Pour lui, trop de combats axés sur l’anti, la dialectique était incomplète, il manquait les propositions positives aux critiques pour générer l’auto motricité du mouvement.
    Je pense que c’est très intéressant, puisqu’on peut affirmer aujourd’hui que le néo-libéralisme s’appuie justement sur l’anti pour générer son contraire, on l’a vu avec l’anti fascisme des antifas qui sont, en définitive, des néo-fascistes, ou encore les anti racistes auto proclamés qui sont, en réalité, des promoteurs du racisme institutionnalisé, inversions utiles quant au clivage sociétal en substitution de la lutte des classes.

    Debord, lui, faisait remarquer que post chute du mur de Berlin, le spectacle intégré, en définitive, ajoutait la dimension du productivisme dans l’équation de Marx et annulait donc, de facto, la logique de la dictature du prolétariat et l’émancipation de ce dernier, puisque selon Debord, le salariat, en héritage du servage et de l’esclavage, rendait prolétaire tous les sujets salariés.
    Or théoriser un soulèvement prolétaire basé sur une lutte des classes face à la bourgeoisie, s’il est acceptable, le demander alors que tout est prolétarisé, en revanche, conduit à l’échec.
    L’absence de différences de nature rendant caduque tout soulèvement de classe.

    Je pense que les deux réflexions sur l’échec du communisme, si elles diffèrent, sont complémentaires.

    Petite digression, Poutine n’était encore que le chef du KGB à Dresde, lorsque le mur fut tombé.
    Il a dû même sortir son arme de service pour dissuader une foule hostile aux locaux du renseignement Russe à l’Est.

    Je vous laisse imaginer l’impact qu’a eu cet évènement dans l’esprit d’un homme pétri de convictions et qui a toujours servi son pays sans faillir.
    A ce niveau, ce n’est plus un impact, c’est une déflagration.

  4. « personne n’était dupe de l’impasse soviétique » !! ah bon ? pourtant il a fallu tout privatiser à la vitesse V (gorby qui planque ses miches aux U$) tirer sur le parlement (eltsine le pochetron) sur la foule venue de toute l’Union Soviétique pour défendre la « patrie socialiste » une fois de plus ! massacrer les 200 gardes suisses du parlement dont les corps ont disparu et dont les familles manifestent chaque année pour qu’on leur rende et qu’on leur dise la vérité !
    c’est ça que l’occident appelle « effondrement » !!!
    Un système socialiste est insubmersible ! économie dirigée ! zéro crise zéro chômeurs ! zéro impôts ! tous les services publics gratuits ! etc
    ils ont donc mis 38 ans (depuis le contre-révolutionnaire krouchtchov) pour démolir ce que Lénine et Staline avait construit en 36 ans ! vous n’avez pas lu Ludo Martens (et tous les autres !) dommage pour vous !

  5. « J’aime tellement l’Allemagne que je suis pour qu’il y en ait deux » sacré Mauriac, il avait tout compris !..

    • Maurras, Charles
      Pas grave , seule l’intention conte
      Finalement de Bordeaux à Martigues, y a pas loin
      Salutations républicaines
      C

  6. La nature humaine est, helas, immuable: cupidité et obsession d’être le chef, c.à.d. commander aux esclaves.
    Dans une boutade circulant à Moscou: Brejnev disant « dans la vie on se lasse de tout, de l’argent, des femmes, du pouvoir JAMAIS ».

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