Juillet 2018 : rude semaine pour les libertés : chapitre 1er

L’euphorie footballistique de ces derniers jours a un peu masqué trois agressions contre les libertés publiques : le « délit de solidarité », le vote de la loi « fake news » et la saisie de la dotation du Rassemblement national. Cette dernière, probablement la plus grave a été rendue possible par une manœuvre déroutante et particulièrement inquiétante…

Pendant que l’équipe nationale de football poursuivait son brillant parcours en coupe du monde trois événements se sont produits dans l’actualité française, chacun manifestant une volonté de mettre en cause et de réduire les libertés publiques. Rude semaine conclue par le discours du Président de la République à Versailles devant le congrès, qui fut loin d’être rassurant sur ce point.

Le classement par ordre d’importance, fait apparaître en premier la scandaleuse décision des juges d’instruction du Pôle Financier qui à la requête du Parquet National du même nom ont fait saisir les 2 millions d’euros de dotation publique que devait percevoir le Rassemblement National, anciennement Front National. Et comme d’habitude, les élites françaises toujours soucieuses de prendre la pose antifasciste et toujours verrouillées dans leur culture de mépris du droit et des principes n’ont pipé mot quand elles ne se sont pas réjouies de voir foulées aux pieds leurs propres libertés publiques. Médaille d’argent pour, la nouvelle acrobatie du Conseil Constitutionnel présidé par Laurent Fabius. L’annulation du fameux « délit de solidarité », nouveau coup porté à la souveraineté populaire, n’est en fait que la poursuite par cette institution d’un projet de restriction drastique des pouvoirs du parlement. Troisième place de ce triste podium, le vote en catimini par l’Assemblée nationale de la fameuse loi dite fake news, dont la simple lecture fait se dresser les cheveux sur la tête à tout démocrate conséquent. Rude semaine disions-nous en effet, conclue par le discours du Président devant le congrès. Dont il a lui-même fait extraire un tweet dans lequel il nous assène son inquiétante conception de la liberté individuelle. On savait déjà par Jean-Claude Juncker « qu’il ne pouvait y avoir de choix démocratique contre les traités européens (sic) ». Manifestement il semble qu’Emmanuel Macron soit du même avis concernant l’exercice de son pouvoir en France. Pour combattre la lèpre populiste comme il appelle l’opposition à l’Europe austéritaire, il n’est pas partisan des médecines douces.

 

Chapitre Ier : saisie de la dotation du RN ou comment tuer un parti légal

 

La candidate du Front national, Marine Le Pen, a été bien utile lorsque la stratégie dite « du castor » l’a transformée en repoussoir et permis l’élection d’Emmanuel Macron. La perspective des européennes est moins séduisante, le désormais RN pouvant y jouer un rôle important. Comment l’en empêcher ? La solution a été trouvée avec le nouvel exploit ahurissant du couple infernal : Parquet national financier (PNF) d’une part et Pôle d’instruction du même nom. Les magistrats qui composent ces deux instances ont la tête sous le même bonnet. Après avoir chassé le Sarkozy pendant cinq ans et détruit la candidature de François Fillon, ils ont semble-t-il décidé de détruire le parti dont la candidate a recueilli près de 40 % des voix à la dernière présidentielle. En toute impartialité naturellement.

Petite description de la manipulation. Depuis la loi de 1990, il existe en France un financement public de la vie politique. Pour éviter le renouvellement des folies des années fric et juguler la corruption qui les accompagnait le législateur a adopté un système reposant sur trois principes : financement public des partis en proportion de leurs poids électoral, limitation des dépenses pour les campagnes, et contrôle par une autorité administrative indépendante. En ce qui concerne le montant des sommes attribuées à chaque parti politique, celui-ci est calculé sur la base des résultats électoraux lors des élections législatives. Qui est le seul critère juridique du calcul et le seul support juridique du versement. À partir du moment où vous êtes organisé en parti politique dans les formes prévues par la loi et que vous avez obtenu tel ou tel résultat électoral, l’État vous DOIT votre dotation. Ah oui, mais non, le PNF ne l’entend pas de cette oreille, suivi par deux juges d’instruction dont on se demande ce qui leur a pris.

Une loi contre le grand banditisme

Le Front national (devenu Rassemblement national) et certains de ses dirigeants font l’objet actuellement de poursuites, soupçonnés qu’ils sont d’avoir utilisé des attachés parlementaires européens à des fonctions directement politiques pour le parti lui-même. Pour l’instant, aucune décision de culpabilité n’a été prise. L’affaire est à l’instruction depuis plusieurs années et on est loin d’une décision de culpabilité au fond. Certains se sont alors visiblement demandé comment affaiblir, voire tuer le Rassemblement national, à l’approche de ce scrutin européen qui ne devrait pas lui être défavorable. Eurêka ! Utilisons un texte qui n’a rien à voir avec la matière traitée à l’instruction, un texte destiné à lutter contre le grand banditisme. C’est-à-dire la loi du 27 mars 2012 relative à la confiscation des avoirs criminels. D’après celle-ci, il est possible de confisquer, avant une éventuelle condamnation, les avoirs de personnes poursuivies, dès lors que le caractère frauduleux de leurs acquisitions entretient un lien direct avec l’activité criminelle. Le meilleur exemple étant celui de l’argent du trafic de drogue ayant permis l’acquisition d’une voiture de luxe, qui pourra donc être saisie. C’est une mesure qui met en cause le principe de la présomption d’innocence et qui est donc très encadrée. Tout d’abord, cette possibilité n’est envisageable que pour certaines infractions (voir la page trois de la circulaire), et ensuite l’ordonnance de saisie doit être motivée en particulier sur le lien étroit existant entre l’activité criminelle et l’acquisition du bien objet de la saisie.

À l’évidence, l’utilisation de ce texte destiné aux gangsters et aux caïds n’a rien à faire dans la procédure actuellement suivie au Pôle financier. L’éventuel « détournement de fonds publics européens » ne figure pas dans la liste des infractions justiciables de la confiscation. Il n’y a ensuite, bien sûr, aucun lien direct entre celui-ci et la dotation que l’État doit au RN, le seul support juridique de celle-ci étant ses résultats électoraux.

Un raisonnement abracadabrant

Il s’est quand même trouvé deux magistrats pour considérer qu’il y avait un lien direct entre le caractère éventuellement fictif des emplois d’attachés parlementaires européens et le versement de la dotation ! Avec le raisonnement suivant : les attachés parlementaires n’ont travaillé que pour le parti (ce qui reste pourtant à établir), et cela a permis au Rassemblement national (alors Front national) d’obtenir les résultats électoraux sur la base desquels est calculée la dotation ! Raisonnement abracadabrant, mais dont il semble bien que l’objectif soit de porter un coup qu’on espère probablement mortel à un parti légal qui bénéficie de la confiance d’une partie importante des citoyens français. Il est malheureusement probable que ce coup gravissime porté à la liberté politique dans notre pays ne suscitera aucun froncement de sourcils ni à la chambre d’instruction, ni à la Cour de cassation.

A qui le tour ?

Coup gravissime. Comment qualifier autrement un acte qui crée un précédent aussi dangereux. Alors comme ça, il suffira que le PNF ou n’importe quelle association saisisse un juge d’instruction pour des faits réels, anodins ou simplement imaginaires, pour que l’on puisse couper les vivres aux partis politiques qui gênent ? Les imbéciles, antifascistes de pacotille, qui se réjouissent bruyamment de ce qui arrive au RN feraient bien de réfléchir un peu et de comprendre qu’ils sont les prochains sur la liste. Comme je l’ai toujours fait, je continuerai à combattre le Rassemblement national, mais sur des bases politiques. Jamais avec des expédients liberticides mis en œuvre par ceux dont la mission fondamentale est pourtant de faire respecter la loi et les libertés publiques.

Comment une telle dérive dont les affaires Sarkozy et Fillon ont été les aspects emblématiques a-t-elle pu se produire ? Car de deux choses l’une : soit cette décision est le fruit d’une demande du pouvoir exécutif, soit le Pôle financier, flanqué d’un PNF apparemment connivent, est devenu un outil directement politique. La sélectivité du PNF dans le choix des procédures, qui ménage scrupuleusement les amis du pouvoir, la longueur des instructions Pôle d’Instruction financier (jusqu’à 25 ans pour Karachi) toujours dirigées contre les mêmes, et qui ne s’activent, en liaison avec les médias que pour des occurrences politiques, font peser sur les magistrats une lourde suspicion.

Et que dire de ce silence approbateur à l’Élysée et à Matignon ?

 

À suivre, demain chapitre 2 : abrogation du « délit de solidarité » : quand Laurent Fabius fait du droit

Régis de Castelnau

35 Commentaires

  1. Bonjour et merci pour cet article.

    Je crois avoir décelé une petite coquille : dans votre avant-dernier paragraphe, votre première phrase est manifestement une interrogation mais il manque le point qui y est afférent!

    Bonne continuation et merci!

  2. Lumineux. Merci.
    Vous pouvez y ajouter une 4eme attaque qui ne concerne que peu de personnes et généralement mal vues: le décret du 29 juin relatif à la détention des armes.
    Sous couvert de lutte contre le terrorisme ( à t’on jamais vu un terroriste armé légalement, ou un tireur légal faire du terrorisme) le texte actuel a été durci jusqu’à l’absurde. outre que le texte est incompréhensible, juridiquement mal ecrit et dangereux car interprétable, il restreint significativement les libertés des gens honnêtes et respectueux des lois.
    Ce pays n’a plus rien à voir avec une démocratie et l’accélération du devoyement du système est inquiétante.

  3. Ils sont idiots ou quoi ? Ils sont en train d’éradiquer toute opposition politique non seulement légale, mais parlementaire, par conséquent, ils vont se retrouver face à la rue. Et une rue armée, parce que, je rejoins le commentaire d’Arnaud, la détention d’armes devenue restrictive, est en train de devenir purement illégale. Soit certains vont se fournir en banlieue, soit d’autres oublient de déclarer le fusil de pépé.
    Une rue encore plus radicalisée : ce n’est plus le FN ou RN qu’ils vont avoir en face d’eux, mais de vrais nazillons. Ils ne savent pas ce qui s’est passé en Grèce après les élections de 2012 ? Le LAOS (le FN local) laminé aux élections après sa participation au gouvernement a été remplacé par Chryssi Avghi (Aube Dorée), authentiquement néonazi.

  4. La raison à tout cela est fort simple: nos chers élus ont le trouillomètre à zéro, nous allons entrer prochainement dans une crise magistrale tous les feux annonciateurs sont au rouge. Il va falloir tenir les gens bien serrés.

    • Quels feux ? La dette ? Il y a tellement de liquidités que tout baigne. Les taux ne vont pas remonter de suite. L’économie continue de détruire des emplois mais le filet social est financé par l’emprunt.

      Le vrai sujet est la fracture du peuple avec les élus et les fractures au sein du peuple avec des communautés separatistes.

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